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Mediapart
La Grèce suspend les demandes d’asile pour trois mois, une mesure illégale et démagogique
#Grece #migrants #immigration #Crete #UE
Article mis en ligne le 22 juillet 2025
dernière modification le 21 juillet 2025

Le gouvernement a justifié cette décision par la hausse des arrivées de personnes migrantes venant d’Afrique du Nord, et de la Libye en particulier. L’Union européenne a réagi mollement, annonçant qu’elle examinerait les modalités d’application de cette décision.

(...) C’est la deuxième fois que la Grèce prend une telle décision : en 2020 déjà, le pays avait temporairement suspendu les demandes d’asile pour un mois, considérant que l’affluence de personnes exilées à la frontière gréco-turque était trop importante. À l’époque déjà, la Grèce s’était mise dans une situation d’illégalité au regard du droit international et de la convention de Genève relative aux réfugié·es, qui impose à tout État signataire d’étudier les demandes d’asile déposées sur son sol. (...)

« Cette décision envoie un message clair qui ne prête à aucune interprétation aux réseaux de passeurs : la Grèce n’est pas un passage ouvert vers l’Europe. » Son gouvernement – le ministre chargé des migrations en particulier – n’a pas hésité à reprendre la rhétorique d’extrême droite sur les migrations, évoquant une « invasion ». (...)

« La réaction européenne est quasi inexistante, contrairement à 2020, où l’UE avait très rapidement souligné le caractère illégal de cette même mesure », rappelle le représentant du Conseil grec pour les réfugiés. (...)

S’il n’y a pas de réaction, cela signifie que la Grèce peut faire ce qu’elle veut ; et cela s’explique aussi par le manque de solidarité à l’échelle européenne sur la question des migration : « Nous n’avons rien vu concernant l’application du pacte migratoire européen, qui prévoyait justement la relocalisation des personnes migrantes » arrivées par les principales portes de l’Europe, regrette Spyros-Vlad Oikonomou.

« Cela leur permet de dire que la Grèce est confrontée à l’invasion de migrants illégaux, ce qui est problématique car je ne sais pas comment on peut estimer que l’arrivée de 7 000 à 8 000 personnes [sur l’île de Crète – ndlr] dans un pays comptant 10 millions d’habitants constitue une invasion. »

Surtout lorsqu’il s’agit de personnes fuyant la mort ou la torture, et qui continueront de fuir malgré ce type d’annonce, faute de choix. « Ce n’est pas du tourisme, lance le représentant d’ONG. Et même si l’on déshumanise la situation et que l’on ne s’arrête qu’aux chiffres, ces derniers ne montrent aucune situation de crise. »

Des précédents au sein de l’UE

De son côté, Martha Roussou, de l’International Rescue Committee (IRC), voit en cette mesure une « violation claire du droit de demander l’asile en vertu du droit international et européen ». Elle rappelle dans un communiqué que « les personnes fuyant les conflits et les catastrophes doivent être traitées avec dignité », plutôt que d’être « détenues ou refoulées ». Dans un communiqué commun, 72 ONG se sont rassemblées pour souligner le caractère « illégal et inadmissible » du projet de loi grec.

Le droit de demander l’asile et la protection contre le refoulement sont « des principes fondamentaux qui ne peuvent être restreints », ont-elles souligné, appelant la Commission européenne à prendre des mesures urgentes pour faire respecter le droit de l’UE. (...)

« C’est à rapprocher du cas polonais, pour lequel la Commission européenne a estimé qu’en raison de l’instrumentalisation et de la menace hybride à la frontière polono-bélarusse, il était possible de suspendre les demandes d’asile à ses frontières, ce qui est évidemment contraire à la convention de Genève et au droit de l’UE », analyse Tania Racho. Si la Commission européenne a soutenu la Pologne dans sa démarche, elle pourrait également soutenir la Grèce cette fois.

Cette dernière estime qu’il ne reste plus que la justice pour rappeler ces évidences. Spyros-Vlad Oikonomou, lui aussi, compte sur l’indépendance et l’impartialité des juges sur ce sujet, car des recours pourraient être formulés pour contester la mesure.