(...) Tout le monde entend parler de la ligne jaune, sans savoir de quoi il s’agit. En réalité, c’est une ligne qui a été installée par les Israéliens et où leur armée est toujours présente. C’est une frontière virtuelle parce qu’on ne la voit pas. Il n’y a qu’eux qui en sachent les limites. On peut dire toutefois qu’elle va du nord au sud de la bande de Gaza. Elle couvre 53 % de la surface de la bande de Gaza, c’est-à-dire à peu près de 200 km².
Cette zone couvre une partie de Beit Lahya, tout Beit Hanoun, tout l’est de la bande de Gaza jusqu’à la ville de Rafah incluse. Ce qui fait que ce qui reste des 2,3 millions de personnes à Gaza sont concentrés dans seulement 150 km². Tout le reste est une zone occupée par l’armée d’occupation. (...)
Il n’y a pas de signes qui indiquent qu’il y a là une ligne à ne pas dépasser. Les gens ont commencé à comprendre que ces lignes virtuelles existaient en s’en approchant. Au lieu de tirs de sommation, l’armée d’occupation tire directement sur les gens. C’est parce qu’il y a des morts que l’on sait où commence la zone.
Les Israéliens ont annoncé ensuite qu’il y aurait des panneaux jaunes pour signaler la ligne à ne pas dépasser. Mais personne ne les a jamais vus parce qu’ils tirent avant même qu’on puisse les distinguer. (...)
Mais à voir la carte que les Israéliens diffusent partout, on voit bien que la zone à l’intérieur de la ligne jaune couvre un peu plus de la moitié de la bande de Gaza. Il ne nous reste que le côté ouest et la zone côtière.
Une colonie pour Palestiniens
Beaucoup se demandent ce qui se trouve là-bas. Déjà, c’est la destruction totale. La majorité des habitations qui sont dans cette zone sont terrassées. On entend tous les jours, même après le cessez-le-feu, des démolitions, des explosions… Cela se voit que les Israéliens voulaient tout détruire, tout aplatir, pour qu’il ne reste plus rien. L’armée d’occupation est toujours là, avec plusieurs bases militaires dans plusieurs zones : la zone du nord, de l’est, dans chaque ville, ainsi que la ville de Rafah qui est totalement occupée.
On a parlé de diviser Gaza en deux, avec le projet américano-israélien, entre ce qu’on appelle la Nouvelle Gaza et l’Ancienne Gaza. La Nouvelle Gaza, c’est justement cette zone à l’intérieur de la ligne jaune, qui est occupée par les Israéliens. Quant à l’Ancienne Gaza, c’est la zone où tous les Palestiniens sont installés.
Les Israéliens et les Américains disent vouloir commencer à construire dans ces 53 % occupés, pour que les gens puissent aller y vivre avec un « permis sécuritaire », parce qu’il faut qu’on soit clean d’un point de vue sécuritaire pour pouvoir vivre dans cette zone où il n’y a ni le Hamas, ni le Jihad islamique, ni n’importe quelle personne affiliée à une structure politique. On aurait alors droit à des habitations modernes pour vivre dans une espèce de colonie pour les Palestiniens.
La mise en scène d’une rivalité par Israël
Il y a également des clans qui vivent dans cette zone. Mais quand je dis « clan », je ne parle pas de milliers de personnes, mais de quelques dizaines tout au plus. Certains ont peut-être amené leurs familles avec eux. Ils vivent dans la destruction, sous la protection de l’armée d’occupation. C’est elle qui leur donne à manger, à boire, qui leur fournit même les tentes, s’ils ne peuvent s’abriter dans les quelques habitations qui restent.
Les chefs de ces clans s’affichent eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Chacun publie ses propres vidéos. (...)
ces clans ont été formés par les Israéliens eux-mêmes, surtout le clan d’Abou Chabab, qui a détourné de l’aide humanitaire sous les yeux des Israéliens, et sous leurs drones qui leur facilitaient la tâche. (...)
Une nouvelle ligne verte
Les Israéliens veulent que l’on dise qu’il y a une division, qu’il y a une rivalité, que le Hamas et ces clans vont s’entretuer. Cela justifierait qu’ils soient présents dans cette zone-là, justement, pour qu’il n’y ait pas d’affrontements. Cela leur donne un nouveau prétexte pour rester, pour diviser, pour occuper, comme pour n’importe quel esprit colonial dans le monde. Ces clans-là ont été formés à ce dessein.
Concernant la division entre Ancienne et Nouvelle Gaza, les Israéliens veulent montrer au monde entier qu’il y a des forces qui sont là, qu’il y a beaucoup de gens qui veulent vivre dans cette Nouvelle Gaza, et qu’il faut commencer à reconstruire dans cette zone parce que le Hamas n’y est pas. C’est toujours cet épouvantail qu’ils utilisent pour ne pas s’engager à la paix ou bien dans le cessez-le-feu. (...)
Gaza est maintenant occupée à 53 %. Cette occupation va durer longtemps, et ce qu’on appelle « la ligne jaune » représentera une nouvelle frontière entre Gaza et Israël. Cette zone occupée sera sans doute annexée, pour élargir la zone tampon, afin d’y établir des colonies, comme l’avaient prédit les Israéliens au début de la guerre.
Je ne crois pas que les Israéliens vont construire une Nouvelle Gaza, ni de nouveaux bâtiments. Surtout pas à côté des frontières d’Israël. Ce sera une zone tampon, établie par le fait accompli. (...)
on aura à nouveau des résolutions des Nations unies qui parleront de la nécessité d’un retrait israélien derrière cette ligne. Entre temps, les Israéliens continueront à endurcir la vie des citoyens de Gaza, pour poursuivre le projet de la déportation, pour continuer la non-vie à Gaza. Pour que les gens décident après de partir.