
En prison depuis quarante ans, le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah saura le 15 novembre si sa demande de libération est acceptée. Ses soutiens alertent sur la « peine de mort lente » qu’il subit, alors qu’il est libérable depuis 1999.
Même celles et ceux qui le soutiennent ont perdu le fil. Est-ce la dixième ou la onzième demande de libération conditionnelle de Georges Ibrahim Abdallah ? Si son avocat, Jean-Louis Chalanset, compte bien, c’est la onzième. Un chiffre qui l’abasourdit encore : « Quand j’ai commencé à le défendre, après la mort de Jacques Vergès, en 2013, je pensais qu’il serait libre au bout d’un ou deux ans », se désole-t-il. Son client est libérable depuis 1999. (...)
Mais voilà, à chaque fois, ses demandes de remise en liberté ont été refusées, tantôt parce que le militant communiste libanais, cofondateur des Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl), considéré comme terroriste par ses détracteurs, ne se repentait pas de ses actes, tantôt parce que son retour au Liban – son expulsion est nécessaire à sa libération – constituerait un danger. « C’est un parti pris total d’élimination d’un militant qui se réclame du communisme. À 73 ans et demi, comment deviendrait-il un chef de guerre ? », interroge Jean-Louis Chalanset.
Ce vendredi 25 octobre marque le quarantième anniversaire de la détention de Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1987, pour complicité dans l’assassinat de deux diplomates, l’un américain et l’autre israélien, à Paris en 1982. Ce qui fait de lui « le plus vieux prisonnier politique de France et même d’Europe », selon ses soutiens. Ceux-ci, réunis dans un collectif très actif pour publiciser sa cause, organisent samedi 26 octobre une manifestation jusqu’aux portes de la prison où il est détenu, à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), qui devrait réunir plusieurs milliers de personnes, dont des député·es du Nouveau Front populaire (NFP). (...)
« Ce n’est jamais suffisant tant qu’il est toujours emprisonné, mais le mouvement de solidarité est croissant », se félicite Tom Martin, porte-parole du collectif Palestine vaincra et membre du Comité pour la libération de Georges Abdallah depuis quinze ans. Si la mobilisation est aussi importante cette semaine, c’est aussi parce que les juges d’application des peines antiterroristes, qui l’ont auditionné le 7 octobre, doivent rendre leur décision le 15 novembre. Et parce que c’est, du point de vue de l’intéressé, son dernier recours.
Son comité de soutien a même dû le convaincre de refaire une demande de libération. (...)
de multiples anomalies ont émaillé son incarcération et sa défense, comme l’avaient raconté en 2013 Mediapart et, plus récemment, France Inter. (...)
Le premier avocat d’Abdallah, Jean-Paul Mazurier, était en réalité un agent des services français. Il a aussi été démontré que le ministre de l’intérieur, Charles Pasqua, et son ministre délégué à la sécurité, Robert Pandraud, ont accusé à tort Georges Abdallah et ses frères d’être à l’origine des six attentats de septembre 1986, qui ont fait onze morts et près de deux cents blessés à Paris. Enfin, les États-Unis, partie civile dans cette affaire, sont directement intervenus dans la procédure pour empêcher sa libération. (...)
La députée de La France insoumise (LFI) Andrée Taurinya lui a rendu visite plusieurs fois au parloir depuis 2022. Elle décrit quelqu’un de « très lucide », qui suit l’actualité française et internationale : « Il a des inquiétudes pour ses proches qui sont au Liban, mais reste très combatif », dit-elle. « Les conditions de sa demande de libération sont un peu humiliantes pour lui », ajoute-t-elle en référence à l’expertise psychiatrique qu’il a dû subir avant son audition. « Il se considère comme un prisonnier politique, et moi aussi », précise-t-elle. (...)
En juin, elle avait été à l’initiative d’une tribune, avec le député communiste André Chassaigne et la députée LFI Sylvie Ferrer, largement signée par des personnalités artistiques, intellectuelles, syndicales et politiques. Celle-ci dénonçait la « peine de mort lente » infligée à Georges Ibrahim Abdallah (...)
Son avocat, Jean-Louis Chalanset, rapporte que l’ambiance lors de l’audience de Georges Ibrahim Abdallah, le 7 octobre, était tendue et qu’en dépit du fait que son client « n’a rien à voir avec l’islamisme », « on essaye de l’assimiler [à cette idéologie] pour l’empêcher de sortir ». L’avocat affirme avoir rappelé aux juges la phrase de Robert Badinter sur la peine perpétuelle : « La peine de mort est un supplice, et l’on ne remplace pas un supplice par un autre. » Il précise aussi que « tous les partis politiques libanais soutiennent sa libération ». Mais le poids du terrorisme dans la conduite des politiques, en termes de droit et de sécurité, joue en la défaveur d’Abdallah. « N’allons pas au bout de nos erreurs », invite Elsa Faucillon.
En cas de rejet de la demande de libération, le comité de soutien prévoit d’appeler à des rassemblements, en espérant s’élargir. « Il faut que tout le monde prenne ses responsabilités, personne ne doit détourner le regard », conclut Tom Martin.