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Club de Mediapart/ Zouhir Satour
La Palestine, entre reconnaissance symbolique et abandon réel
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #genocide #famine
Article mis en ligne le 23 septembre 2025
dernière modification le 20 septembre 2025

Gaza n’est pas une guerre. Gaza est un crime. Et la reconnaissance de la Palestine, sans rupture réelle avec l’État d’Israël, sans sanctions, sans embargo, sans isolement international, n’est qu’un alibi moral pour ceux qui veulent continuer à dormir tranquilles.

L’annonce de la reconnaissance de l’État de Palestine par plusieurs pays européens, pendant qu’Israël mène une opération terrestre d’occupation d’une violence inédite à Gaza, n’est plus un geste de solidarité, ni encore moins un acte de paix.

Cela ne relève pas d’un acte politique, mais d’un aveu d’impuissance, voire d’une hypocrisie cynique. C’est une couverture morale à une passivité criminelle.

Tandis que Gaza est méthodiquement écrasée, que des milliers de civils, femmes et enfants compris, sont anéantis dans un silence diplomatique complice, que la Cisjordanie est lentement avalée par une colonisation légalisée, cette reconnaissance est une opération de façade, un cache-misère politique.

Il ne s’agit plus d’une guerre. C’est une prise de territoire brutale, une expulsion de masse, une opération de destruction programmée. Les termes sont lourds, mais justes : on est face à un processus d’annexion par le vide, où l’on rase, affame, chasse, pour mieux réorganiser un territoire sous contrôle militaire. Cela s’appelle une colonisation. Cela s’appelle une extermination.

On prétend défendre un peuple pendant qu’on laisse méthodiquement le projet de son effacement se dérouler.

Et que fait l’Europe pendant ce temps ?

Elle regarde un massacre se dérouler en temps réel, avec la précision des satellites et la clarté des chiffres. Elle sait. Elle voit. Mais elle choisit de ne pas agir. Cette lâcheté prend la forme d’un langage creux, technocratique, anesthésié, qui remplace les mots interdits, génocide, apartheid, nettoyage ethnique, par des euphémismes dégradants. Une telle langue n’est pas neutre. Elle protège l’agresseur, elle banalise l’horreur, elle donne du temps au crime.

Dans ce désert moral européen, l’Espagne fait figure d’exception. Et c’est important. Car le gouvernement espagnol ne s’est pas arrêté à la reconnaissance de l’État de Palestine. Il appelle ouvertement au boycott d’Israël, remet en cause sa participation aux compétitions sportives internationales, et a assumé politiquement l’interruption de la Vuelta, (le Tour d’Espagne cycliste), après des manifestations contre la présence d’un coureur israélien.

Ce sont des gestes symboliques, certes, mais puissants. Parce qu’ils brisent la normalisation silencieuse du crime. Parce qu’ils rappellent que l’apartheid ne peut pas continuer à être un partenaire commercial, culturel ou sportif sans que cela ait un prix.

Mais si l’Europe fait preuve d’une lâcheté organisée, les régimes arabes, eux, ont franchi un seuil encore plus bas que leur trahison habituelle. Leur indignation est devenue une routine rhétorique. Ils pleurnichent dans les forums internationaux mais normalisent en coulisses, s’accommodent, pactisent, commercent.

La Palestine leur sert de slogan vide, de carte diplomatique qu’ils brandissent quand cela les arrange, mais qu’ils laissent tomber dès que le rapport de force réel exige leur soumission.

Leur silence n’est plus de la prudence : c’est de la collaboration (...)

On ne peut plus parler d’"échec de la communauté internationale". Ce serait un euphémisme commode. Ce n’est pas un échec, c’est un choix. Le choix de laisser faire. Le choix de ne pas nommer. Le choix de regarder ailleurs pendant qu’un peuple est étranglé. Il rend l’horreur tolérable, il dépolitise le crime, il neutralise la colère. Il participe directement au processus de banalisation du nettoyage ethnique.

Gaza n’est pas une guerre. Gaza est un crime. Et la reconnaissance de la Palestine, sans rupture réelle avec l’État d’Israël, sans sanctions, sans embargo, sans isolement international, n’est qu’un alibi moral pour ceux qui veulent continuer à dormir tranquilles.