
Cette semaine, pour protester contre l’offensive israélienne à Gaza qui dure depuis plus de 200 jours, un blocage est annoncé à Sciences Po Bordeaux et un rassemblement est prévu devant le rectorat par Education Gaza 33 avec une installation visuelle.
« Massacre », « génocide », « épuration ethnique »… les mots chocs ne se retiennent plus pour qualifier l’interminable riposte d’Israël à l’attaque du Hamas le 7 octobre et sa prise d’otages de 250 Israéliens. Après plus de 200 jours de frappes et de combats acharnés au sol qui ont laissé une grande partie de la bande de Gaza en ruines, des voix s’élèvent ailleurs qu’au sein des milieux et associations habituellement pro-palestiniennes.
Alors qu’une offensive terrestre se prépare contre Rafah, à la frontière avec l’Egypte, où s’entassent 1,4 million de personnes sur les 2,3 millions de Gazaouis, de nombreuses mobilisations de protestations s’annoncent en France. A l’instar des universités américaines, Sciences Po Poitiers et Paris sont occupées depuis jeudi 25 avril. Bordeaux s’apprête à le faire à l’appel du tout jeune collectif Sciences Palestine :
« Nous avons fait un sondage auprès des étudiants pour suivre Poitiers et Paris, explique Gwen, membre du groupe. Le blocage est prévu pour le 30 avril à 19h. »
Stopper le partenariat avec Ben Gourion
Sciences Palestine « s’est formé progressivement après le début de l’opération de massacre menée par Israël sur la bande de Gaza » explique l’étudiant. Les premières réunions se sont tenues en octobre et une assemblée générale a officialisé ses actions, notamment pour récolter des fonds, reversés à l’association France-Palestine Solidarité.
Après un groupe Messenger, un groupe WhatsApp a pris le relais et réunit aujourd’hui 125 étudiants « avec une majorité de Sciences Po mais aussi ouvert à d’autres ». Le 22 janvier, Sciences Palestine a lancé une pétition dans laquelle il est demandé à Sciences Po Bordeaux de mettre fin à un partenariat avec l’université israélienne de Ben Gourion du Neguev en place depuis 2007.
« Loin d’être isolée de la politique d’apartheid et raciste de l’État d’Israël envers le peuple Palestinien, cette université entretient des liens organiques avec l’armée israélienne à travers notamment des bourses réservées aux étudiants faisant leur service militaire, aux réservistes. »
« Plusieurs centaines de signatures » auraient été déjà récoltées, « sachant que nous sommes 1200 à l’IEP » précise Gwen. (...)
« Educide, éducaricide, scholasticide »
Un autre mouvement national a également trouvé l’adhésion de militantes et militants bordelais : L’Education avec Gaza. Suite à un appel du General Union of Palestinian Teachers, syndicat palestinien d’enseignants, pour venir en aide au système éducation local « dévasté et ciblé », des enseignants français ont répondu.
Emilie, professeur de lettres classiques sur la métropole bordelaise et membre de l’association Education avec Gaza 33, dénonce « une destruction méthodique et délibérée d’un système éducatif ». Avec une trentaine de membres, « des enseignants de lycées et de collèges », ils organisent des rencontres pour « informer [face] à un déficit d’information et notamment sur le droit à l’éducation complètement bafoué à l’heure actuelle à Gaza ».
« Plus de 600 000 enfants sont privés du droit à l’éducation depuis le 7 octobre. Il y a une volonté délibérée de détruire ce système éducatif par la mort d’élèves, d’étudiants, d’enseignants. […] Fin mars, un rapport de l’ONU 80% des écoles de Gaza ont été touchées par des bombardements et 212 d’entre elles ont été directement visées. »
Dans un texte diffusé par l’association, on peut lire :
« La Société Britannique d’Etudes du Moyen-Orient parle d’éducide, le rapporteur spécial des Nations-Unies, Balakrishnan Rajagopal, parle d’éducaricide, un collectif enseignant qui regroupe des antennes britannique, canadienne, sud-africaine parle de scholasticide : éducide, éducaricide, scholasticide, tous ces termes désignent la volonté délibérée d’anéantir le système éducatif palestinien. »
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« Eradiquer l’histoire, éradiquer le savoir » (...)
En attendant un cessez-le-feu, Education avec Gaza 33 publie et affiche « les portraits des enseignants qui ont perdu la vie ». S’ils appellent au boycott des produits HP (Hewlett-Packard) dans les établissements scolaires, les enseignants ont choisi de ne pas évoquer cette guerre dans le cadre de leurs cours (...)
Education avec Gaza se projette sur l’après à travers « plusieurs domaines dans lesquels il pourrait être nécessaire d’intervenir, comme la reconstruction ». En attendant, ses enseignants prévoient ce samedi 4 mai, un rassemblement devant le rectorat de Bordeaux où une installation de sensibilisation est prévue, signée par Lynda et Mirna.
Des chaussures, des peluches et des cœurs
Lynda et Mirna ont à plusieurs reprises marqué les esprits avec des installations visuelles (...)
Une première action, puis une deuxième avec des peluches le samedi 30 mars, toujours sur le miroir d’eau. Une autre le 20 avril place Gambetta à Bordeaux « où on a piqué un millier de cœurs aux couleurs de la Palestine ». Les deux citoyennes bordelaises affirment ne dépendre d’aucun parti politique, ni même ud’ne association.
« On finance avec nos moyens, poursuit Lynda. On ne tient pas une comptabilité mais chaque action peut revenir à une centaine d’euros. On a acheté les chaussures sur le Bon coin, chez Emmaüs, et certaines sur Geeve, ou récupérées des amis et de la famille. On paye les copies, les scotchs, les ballons… » (...)
Loin des manifestations et des cortèges que les associations pro-palestiniennes mettent en place chaque week-end, ces nouvelles formes de sensibilisation, que ce soit une action visuelle ou une rencontre thématique, prennent de l’ampleur et mise surtout sur le débat. Interrogé sur « ce qu’on peut faire », le chirurgien Christophe Oberlin qui revient de Gaza, en conférence le 22 avril à l’Athénée municipal à Bordeaux, a précisé :
« Depuis la Palestine, tous les mouvements sont vus. Même si vous avez quatre personnes qui lèvent un drapeau palestinien, ils sont au courant et ils sont touchés. […] Le soutien est extrêmement important, et les réseaux sociaux le rende possible. Ils savent maintenant que le monde entier les regarde. La bataille se déroule ici. »
A noter que la semaine dernière, le collectif Collages féministes Bordeaux a signé une action dans le cadre de la campagne #StopArmingIsrael (Arrêter d’armer Israël).