
Mères au front au Québec, Warrior Moms contre la pollution de l’air en Inde, Mères en colère contre le nucléaire à La Hague... Souvent un frein à l’engagement militant, la maternité peut aussi en être un puissant moteur.
Pas de mixeur ou de bougie parfumée cette année. Dimanche 25 mai à Paris, le syndicat de parents Front de mères, créé en 2016 à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) pour réclamer des menus végétariens à la cantine, organise un braquage de la fête des mères. « Fuck les fleurs et fuck le chocolat : pour la fête des mères, nous exigeons du courage politique », lançait en 2020 le mouvement Mères au front, qui interpelle les pouvoirs publics sur l’urgence climatique.
Énième assignation des femmes aux sujets parentaux découlant de qualités prétendument maternelles — amour, douceur, attention aux autres ? Ou luttes émancipatrices de femmes qui refusent d’assister à l’effondrement du monde depuis la fenêtre de leur cuisine ? « Si les femmes s’emparent de ces questions, ce n’est pas parce qu’elles sont par nature plus attentives à leurs enfants, mais parce que ce sont elles qui prennent en charge la grande majorité du travail domestique et le “care”, les soins aux autres », rappelle Sarah Rétif, sociologue et autrice d’une thèse sur l’engagement de mères de quartiers populaires. Certaines sont porteuses d’un féminisme essentialisant, tandis que d’autres ont choisi de s’appuyer sur cette partie de leur identité par pure stratégie politique ou par commodité.
Si la maternité est, le plus souvent, un frein à l’engagement, Reporterre vous embarque dans un tour du monde à la découverte de ces femmes pour qui elle a été un puissant moteur.
Nucléaire, pollution, soutien aux énergies fossiles... Leurs thèmes comme leurs modes d’action sont divers — plaidoyer, manifestations, rondes de femmes ou couture... — souvent impressionnants mais rarement violents. Une exception peut-être, à la fin des années 1970, en France : les grands-mères de Plogoff ont fait barrage de leurs corps au projet de centrale nucléaire bretonne. « Elles ne se contentaient pas que tricoter et danser, elles étaient en première ligne et balançaient des pierres sur les CRS. À chaque fois, le message était clair, évident : on ne veut pas de ça pour nos enfants », se souvient Roland Desbordes, de la Criirad. (...)
Qu’ils se définissent comme féministes ou non, ces collectifs peuvent être des lieux de réappropriation du militantisme, où leurs membres peuvent s’auto-organiser en tenant compte des contraintes qui sont les leurs. (...)
« La maternité peut être brandie comme un gage de respectabilité de la mobilisation, observe Lucie Anselmi. En France, elle a parfois été utilisée de manière instrumentale comme argument par les militantes en faveur du droit de vote par exemple. » « Passé le premier cap de la raillerie, le nom Les Mères en colère a été une force. La progéniture, les enfants à venir, ça ne laisse personne indifférent », abonde Roland Desbordes.