Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
La région Paca finance les refoulements d’exilés au nom des JO d’hiver
#regionPACA #migrants #exiles #immigration #refoulements #JO2030
Article mis en ligne le 1er juillet 2025
dernière modification le 29 juin 2025

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur subventionne à hauteur de 1 million d’euros par an les forces de police exerçant en montagne, au prétexte des JO 2030. La sécurité est pourtant censée être une prérogative réservée à l’État.

Dispositif « Région Sud, la région sûre »

Ainsi, le 29 mars 2024, le conseil régional a voté une délibération accordant une subvention de 1 million d’euros par an jusqu’en 2030 aux « forces de l’ordre intervenant dans les départements alpins » (Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes), pour les « soutenir, dans la perspective des Jeux olympiques d’hiver », notamment en adaptant leurs « équipements aux conditions spécifiques de la montagne ». La démarche s’inscrit dans le cadre d’un dispositif intitulé « Région Sud, la région sûre ».

Un engagement acté à l’unanimité dans une assemblée qui ne compte que l’extrême droite comme opposition, la coalition de gauche et des écologistes s’étant désistée au second tour des élections régionales de 2021 pour empêcher une victoire du Rassemblement national et de ses alliés.

Ce million d’euros annuel est mis à disposition des directions départementales de la sécurité publique, qui décident, en accord avec la région, du matériel à acheter. Pour l’heure, l’essentiel du soutien a été dirigé vers Montgenèvre, ainsi que nous en a informé l’entourage de Renaud Muselier.

Notre source nous confirmait fin janvier que l’enveloppe prévue est destinée principalement à « soutenir les contrôles en montagne », pratiqués sur les migrants présumés par les forces de police et de gendarmerie. Les touristes ou locaux présumés, circulant sur les pistes de ski et les chemins de randonnée transfrontaliers, ne sont pas ciblés.

À l’image de Tous migrants, des associations de défense des droits des étrangers dénoncent depuis des années les « contrôles au faciès », ainsi que la négation des droits, notamment le refus de prise en charge des mineurs isolés et de considérer les demandes d’asile. (...)

Des observations analogues à celles des ONG ont été formulées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et la Défenseure des droits. Depuis novembre 2015, après les attentats de Paris, le gouvernement a rétabli les contrôles à ses frontières en dérogation des accords de Schengen, sous couvert d’antiterrorisme.

Voisine de Montgenèvre, la ville de Briançon, dirigée par l’ex-LR et proche de Renaud Muselier Arnaud Murgia, participe également au plan de la région. Elle s’est portée acquéreuse d’un véhicule 4x4, « mis à disposition à titre gracieux à la police aux frontières », précise la décision du conseil municipal de février 2024. L’engin, d’une valeur de 21 500 euros, a été subventionné à 80 % par la région. Contactée, la mairie n’a pas donné suite à notre demande d’entretien avec le maire. (...)

Depuis 2017, des dizaines de milliers de personnes sont entrées en France par les sentiers montagneux de cette frontière dite « haute », en tentant de contourner la présence policière. « Nous avons déjà financé des vêtements chauds pour les gendarmes, des quads et une caméra intelligente », détaille-t-on dans l’entourage de Renaud Muselier, sans toutefois être en mesure de nous donner de détails sur cette dernière. La délibération du conseil régional mentionne « l’expérimentation […] de dispositifs de sécurité innovants faisant appel […] à de nouvelles technologies et à l’intelligence artificielle ».

« On utilise les JO pour expérimenter, se satisfaisait notre interlocuteur. Si c’est concluant à Montgenèvre, on proposera de le déployer à Menton », à la frontière dite « basse », dans les Alpes-Maritimes. (...)

Du ministère de l’Intérieur à la ville de Briançon, en passant par la région, « c’est une chaîne aux maillons très solides qui place une rhétorique sécuritaire avant le respect des droits des personnes », affirme Brune Béal, chargée de plaidoyer à l’association briançonnaise Tous migrants.

« La République bafoue les droits fondamentaux » (...)

« Tout ce qui participe au renforcement de la militarisation de la frontière participe à une mise en danger directe et indirecte », dénonce-t-elle. Directe par les actions physiques et verbales des agents ; indirecte, en poussant les personnes exilées à emprunter des chemins dangereux en haute montagne. Dans son avis de 2018, la CNCDH s’alarmait du fait que « la République bafoue les droits fondamentaux, renonce au principe d’humanité et se rend même complice de parcours mortels ». Dix corps de personnes en migration ont été retrouvés dans les environs de Montgenèvre depuis 2018. (...)

En 2019, le tribunal administratif de Marseille avait annulé un précédent plan sécurité de la région Paca, contesté alors par le préfet. Pour la juridiction, la mesure ne se rattachait « que de façon très indirecte au développement touristique de la région ». La compétence tourisme est aussi celle mise en avant pour justifier le dispositif « Région Sud, la région sûre ». Cette fois-ci, aucun recours n’a été déposé dans le délai réglementaire de deux mois. (...)

À 900 kilomètres de Montgenèvre, à une autre frontière et avec une même enveloppe annuelle d’un million d’euros par an, une autre collectivité propose une tout autre politique, tournée vers l’accueil. À Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), la Communauté d’agglomération du Pays basque, dirigée par Jean-René Etchegaray, lui aussi membre du parti présidentiel, utilise cette somme pour financer un centre d’hébergement.