
Le gouvernement ouvre la voie à l’interdiction du voile dans le sport amateur : en soutenant « avec force » une proposition de loi, adoptée au Sénat, sur la laïcité dans les compétitions sportives, l’exécutif a esquissé mardi 18 février un changement de cap dans ce débat sensible, vivement critiqué à gauche. Proscrit par certaines fédérations sportives comme au football, autorisé par d’autres comme au handball, le port du voile divise depuis plusieurs années le sport français. Un sujet épineux sur lequel les précédents gouvernements sont restés prudents en repoussant plusieurs initiatives similaires déjà venues de la droite sénatoriale
un soutien très clair de l’exécutif à une proposition de loi du sénateur LR de l’Isère Michel Savin, qui propose d’interdire le port de signes religieux, et notamment le voile, dans l’ensemble des compétitions sportives y compris au niveau amateur. Le texte a été voté à 210 voix contre 81 à la chambre haute, dominée par une alliance droite-centristes (...)
Les débats ont réveillé d’importants clivages partisans, dans un climat de tension assez rare au Palais du Luxembourg. De nombreux sénateurs de gauche ont multiplié les prises de parole pour dénoncer l’initiative, craignant « une atteinte à la loi de 1905 » sur la laïcité, qui fête ses 120 ans cette année, et la « stigmatisation » des sportives de confession musulmane. « En utilisant ce principe fondateur pour servir votre récit antimusulman, vous ne faites que nourrir les confusions, les approximations et les stéréotypes », a lancé le président des sénateurs PS Patrick Kanner aux sénateurs LR.
L’écologiste Mathilde Ollivier a elle accusé la droite de « viser directement, frontalement, lâchement, des femmes de confession musulmane de notre pays » en vue de les « exclure » de la pratique du sport. « Entre le hijab et le burkini, et le sport, il faut choisir », a rétorqué la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. Ce débat, qui expose régulièrement la France à l’incompréhension à l’étranger, avait été mis sous les feux des projecteurs au moment des Jeux olympiques (...)
Un amendement de la droite, voté au Sénat, a également élargi cette interdiction aux sportifs sélectionnés en équipe nationale. La proposition de loi, qui attend désormais sa transmission à l’Assemblée nationale, contient d’autres mesures irritantes comme l’interdiction d’utiliser des gymnases ou terrains de sport des collectivités territoriales pour « l’exercice d’un culte », notamment comme salles de prières. (...)
Elle impose aussi aux règlements intérieurs des piscines de prohiber le port de tenues susceptibles de « contrevenir » aux principes de « neutralité des services publics » et de laïcité. Cette disposition fait écho à une décision du Conseil d’État, qui avait fermé la porte en 2022 au burkini dans les piscines municipales de Grenoble.
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– (CQFD)
Basket féministe À Marseille, les Panthers dribblent l’islamophobie
Fondé il y a trois ans pour permettre à des femmes éloignées des clubs de sport de structurer leur pratique du basket, le club féministe des Marseille Panthers fait face à l’islamophobie de la Fédération française de basket-ball. Une dynamique répressive qui a notamment abouti à la mise à pied du coach et à la privation de compétition pour une joueuse.
(...) Depuis deux ans, le club de basket est la proie de l’islamophobie de certains publics hostiles au port du voile. « On entend des “Rentre chez toi !” », raconte Justine*, joueuse du club. (...)
La Fédération française de basket-ball (FFBB) n’est pas en reste. « Elle nous a mis 1 500 euros d’amende pour avoir laissé jouer deux filles voilées lors d’un tournoi qu’on organise chaque année », dénonce Nadir*, membre du club. (...)
Dans cet arsenal législatif discriminatoire, « aucune loi nationale [n’interdit] le port de couvre-chefs religieux dans le sport en France », rappelle un rapport d’Amnesty International2. Pourtant la FFBB, comme la Fédération française de football (FFF) et la Fédération française de volley-ball (FFVB), prend les devants : depuis décembre 2022, son règlement interdit le port de « tout équipement à connotation religieuse ou politique […] ». Les contrevenant·es s’exposent à des sanctions sportives et disciplinaires. (...)
Les Marseille Panthers, auxquelles la FFBB reproche également une publication en soutien aux enfants de Gaza, ont ainsi reçu plusieurs convocations en commission de discipline. Une surenchère répressive qui a abouti à la mise à pied de leur coach et à la privation de compétition pour une joueuse. Assia, membre du collectif Basket pour toutes, analyse : « La FFBB a imposé cette nouvelle règle du jour au lendemain. Je pense que visuellement on dérange. La Fédé ne voulait pas être associée à une image “islamiste” ».
Ces discriminations dans les règlements sportifs reposent en réalité sur une interprétation contestable de l’horrible loi « Séparatisme » (2021). Son article 12 marchande le versement de subventions aux associations contre la signature du fameux « contrat d’engagement républicain », qui leur impose « l’interdiction de remettre en cause le caractère laïque de la République ». Les réacs se croient ainsi autorisés à sanctionner tout ce qui leur paraît « anti-républicain ». Et bingo ! Tous les clubs affiliés doivent se plier à leur règlement.
Un ennemi tout désigné (...)
La FFBB dépasse même les bornes de son règlement : « Ils interdisent même le port du voile à la table de marque ! On m’a aussi fait enlever le voile à l’entrée du gymnase alors que c’est interdit », dénonce Justine. « C’est même illégal ! », ajoute Assia. Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler les pires heures de l’histoire française, lorsque le dévoilement forcé était utilisé pendant la guerre d’Algérie pour émanciper les femmes « indigènes » et ainsi justifier la « mission civilisatrice » de l’État colonial.
Une vision qui persiste encore aujourd’hui. (...)
« Aujourd’hui la cible ce sont les musulmans, mais pas uniquement », rappelle Justine. Une intersectionnalité à laquelle sensibilise chaque année le club lors du S4 festival qui conjugue sport et cultures urbaines. Pour Assia, coach et joueuse d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), il faut continuer d’être visible : « Je suis devenue secrétaire générale de mon club, je continue d’organiser des évènements… Avec Basket pour toutes on essaye de récolter un maximum de témoignages, d’être visibles sur les réseaux sociaux… Que toutes les filles qui ont la force de se battre continuent ! »