
Comme l’indique l’expression « bien culturel », le livre est un produit, c’est-à-dire un bien qui s’achète et se vend. Toutefois, ses spécificités font qu’il évolue dans un environnement particulier qu’étudient notamment Louis Wiart et Philippe Chantepie, les auteurs d’Économie du livre, aux éditions La Découverte (collection « Repères »). Nous en publions un extrait consacré à un des défis majeurs du secteur pour les années qui viennent : l’adaptation de son modèle économique aux impératifs de la transition écologique. Numérique ou papier, le livre trouvera-t-il une voie pour être compatible avec ces nouvelles nécessités ?
Comme toutes les industries culturelles, le secteur du livre fait face au défi de la transition écologique, sous ses trois aspects : climatique, de biodiversité et de déchets. Celle-ci représente un enjeu majeur pour l’ensemble de la chaîne de valeur du livre : cycle de production (papier, donc énergie, eau, espèces végétales, formulation des encres), de distribution (transport) et de consommation (déchets). Elle concerne ainsi toutes les étapes de l’activité, de l’éco-conception au réemploi et au recyclage.
Le défi a commencé à être pris en compte à l’échelle internationale par le secteur de l’édition quant aux modes de production et de consommation, qui figurent parmi les objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2019. Ce défi concerne aussi l’édition et la lecture numériques qui se développent et apparaissent moins favorables pour l’environnement que le mode de production et de consommation classique du papier.
En France, la mise en œuvre de ces objectifs de développement durable repose sur la règle dite de responsabilité élargie du producteur (REP). Elle prend en compte pour chaque industrie une responsabilité du producteur, de bout en bout, à travers chacun des maillons des filières jusqu’au consommateur. Selon le principe pollueur-payeur, il s’agit de rendre responsables les producteurs de l’impact environnemental de leurs produits en assurant individuellement ou collectivement la collecte, la gestion et la valorisation des déchets issus de ces produits (papier, encres). (...)
Depuis les années 2010 prédomine ainsi une prise de conscience progressive des enjeux de la transition écologique par les professionnels du livre, dont les éditeurs. Fragmentaire et partielle, l’approche dépend surtout d’initiatives issues de maillons de la chaîne à travers des engagements volontaires. (...)
du côté des bibliothèques, sous l’impulsion de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA), une approche collective prévaut aussi, ce dont témoigne par exemple l’Agenda 2030 des bibliothèques en France. Les objectifs poursuivis tiennent à la mutualisation des ressources entre établissements et à l’amélioration de la logistique pour réduire l’empreinte environnementale des prêts de livres. L’enjeu de la plastification des livres offerts au prêt est également soulevé. À l’avenir, ces initiatives sont conduites à tenir compte d’autres facteurs, comme le transport des consommateurs et des salariés. (...)
Un modèle économique à questionner (...)
La transition écologique peut apparaître comme un défi des plus difficiles à relever pour le secteur de l’édition. Celui-ci a manifesté une grande capacité d’innovation et d’adaptation aux techniques, mais à modèle économique central inchangé. Le défi écologique, en revanche, questionne les fondements mêmes de son modèle économique.