
L’Arabie saoudite a condamné une défenseuse des droits des femmes, Manahel al-Otaibi, en catimini, à onze ans de prison, lors d’une "audience secrète" ont appris deux ONG qui dénoncent un verdict "cruel" et "révoltant", en contradiction avec le discours des autorités saoudiennes sur l’émancipation des femmes.
(...) Plusieurs ONG ont rapporté, mardi 30 avril, une dizaine de cas d’emprisonnement de Saoudiens "pour leurs propos sur les réseaux sociaux". Dans un communiqué conjoint, Amnesty International et ALQST, basé à Londres, dénoncent de "longues peines de prison" contre ces militants arrêtés en 2021 et 2022, et emprisonnés depuis. (...)
Le verdict a été révélé "dans la réponse officielle du gouvernement saoudien à une demande d’informations formulée par des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur son cas", indiquent les deux ONG.
L’AFP a pu consulter la réponse saoudienne à l’ONU, datée du 24 janvier. D’après ce texte, Manahel al-Otaibi "a été condamnée pour des infractions terroristes sans aucun rapport avec l’exercice de sa liberté d’opinion et d’expression ou avec ses publications sur les réseaux sociaux", explique Riyad. Le document ne fournit pas de détails sur les "infractions terroristes" mentionnées.
Des tweets en faveur des droits des femmes
Bissan Fakih, responsable de la campagne sur l’Arabie saoudite au sein d’Amnesty International, juge cette condamnation "injuste", "révoltante" et "cruelle". Après son arrestation en 2022, Manahel al-Otaibia avait été inculpée d’infraction à la loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, en raison de ses tweets en faveur des droits des femmes et de la publication sur Snapchat de photos d’elle sans abaya dans un centre commercial. (...)
L’affaire a ensuite été renvoyée devant le Tribunal pénal spécialisé, une juridiction établie en 2008 pour traiter les affaires liées au terrorisme. Une cour qui "utilise régulièrement des dispositions floues de la législation sur la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme et qui assimile l’expression pacifique d’opinions à du ‘terrorisme’", prévient Amnesty International. Les verdicts donnés par cette juridiction sont rarement commentés par les autorités saoudiennes. (...)
Lors d’un bref appel téléphonique qu’elle a enfin pu passer à ses proche mi-avril, elle a déclaré qu’elle avait été détenue à l’isolement à la prison d’Al-Malaz à Riyad, avec une jambe cassée après avoir été rouée de coups en détention, et qu’elle n’avait pas accès à des soins médicaux, rapporte Amnesty. (...)
"ce qui est en jeu c’est la liberté d’expression politique. Les problèmes arrivent dès qu’il y a la moindre critique envers le régime" (...)
Plusieurs cas inquiètent particulièrement Amnesty International. Celui de Salma al-Shehab, doctorante et membre d’une communauté chiite, arrêtée alors qu’elle était revenue du Royaume-Uni, où elle faisait ses études, pour une visite en Arabie saoudite. (...)
Selon Amnesty International, au 31 janviers 2024, au moins 69 personnes étaient "poursuivies pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, parmi lesquelles des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques pacifiques, des journalistes, des poètes et des dignitaires religieux".