Il était une fois un gus qui trouve une vieille fiole un peu crasseuse dans un coin et se met bêtement à la nettoyer.

En fait, déjà, à ce stade de l’histoire, c’est plié : on sait tous qu’il faut se méfier des vieilleries qui t’invitent à la fièvre dévorante du frottage. En plus, tu espères quoi, réellement : que c’est un trésor oublié de tous ou que ça fera juste joli dans ta collection de bibelots ? Ou qu’il va arriver le truc dont on sait tous que c’est juste une immense arnaque destinée à faire se sentir les petits enfants plus intelligents ?

Donc, bien sûr, voilà le gus qui se retrouve avec un génie sur les bras qui lui fait le coup des vœux à réaliser. Et toujours avec des conditions pourries.

Dans cette version, le génie propose d’exaucer un seul vœu, mais fait savoir au gus que tout ce qu’il demandera sera donné en double à son voisin qu’il déteste.

Personne ne s’arrête sur le détail intéressant : comment le génie sait que le gus déteste son voisin ?
En fait, il n’a pas spécifiquement besoin de le savoir : il sait que l’envie est un profond moteur humain. Et qu’il est plus facile d’en vouloir à son voisin de pallier, qui est là, qui est palpable, connu et quelque part, presque soi-même, puisqu’il vit en fait dans des conditions très similaires à nous-mêmes. Sinon, il vivrait ailleurs.
Le gus pourrait en vouloir au roi qui se prélasse dans son palais et alimente son trésor avec l’impôt dont il est si facile d’abuser, mais voilà, le roi est une figure lointaine, floue, différente — voire indifférente —, alors que le voisin, lui, est comme un miroir de nos propres échecs, une source infinie de comparaisons et d’amertume. (...)