Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
France24
Les attentats du 13-Novembre : "L’événement emblématique sur lequel la mémoire s’est accrochée"
#Attentatsdu13novembre #memoire
Article mis en ligne le 11 novembre 2025

Au lendemain des attentats du 13-Novembre, un programme inédit et transdisciplinaire a été lancé en France. Son but : étudier la construction et l’évolution de la mémoire après ces attaques meurtrières. Dix ans après, ces études permettent déjà de tirer de précieux enseignements. Elles montrent à quel point ces attentats terroristes ont atteint profondément la société française dans son ensemble.

"J’ai peur d’oublier. Je vois bien que mes souvenirs changent, qu’ils évoluent, qu’ils disparaissent et je n’ai pas envie". Interrogée six ans après les attentats du 13-Novembre 2015, à Paris et Saint-Denis, Manon, une témoin des attaques sur les terrasses parisiennes du Carillon et du Petit Cambodge, a encore du mal à retenir ses larmes. Ses pleurs jaillissent à la simple évocation des tirs, du sang, des corps des victimes, des cris des mourants, mais elle avoue pourtant être terrifiée à l’idée de ne plus s’en souvenir.

Cette jeune femme fait partie des 1 000 volontaires interviewés à trois reprises en 2016, 2018 et 2021 dans le cadre du Programme 13-Novembre. À chaque fois, elle a dû répondre aux mêmes questions. L’idée étant de comprendre comment le souvenir de ces attaques meurtrières qui ont fait 131 morts et près de 2 000 blessés physiques et psychiques, fluctue au fil des années et comment se construit le traumatisme, mais aussi la résilience. (...)

L’historien Denis Peschanski a conduit plus de 150 de ces entretiens, dont une trentaine sont aujourd’hui regroupés dans le documentaire "13 Novembre, nos vies en éclats", diffusé sur France TV. "C’est terrible", confie-t-il. "Ce sont des larmes qui pèsent des tonnes. Le plus dur ce sont les parents endeuillés. Les victimes sont cassées d’un peu partout, mais eux ils ont une fracture au milieu du cœur". (...)

Depuis plusieurs années, ce spécialiste de la Seconde Guerre mondiale travaille sur les mécanismes de la mémoire collective et individuelle. Dès l’annonce des attentats, ce directeur de recherche au CNRS a initié le projet baptisé Programme 13-Novembre. "C’est une première mondiale. Il y a des choses qui avaient été faites après le 11-Septembre, mais pas de cette ampleur. Cela impliquait une très grande mobilisation de chercheurs de toute discipline", insiste-t-il. (...)

Ces entretiens permettent de mettre en lumière ceux qui parfois ont été oubliés, intervenants de la Croix-Rouge, techniciens de la police scientifique ou encore psychologues de l’institut médico-légal. "C’est important et on est les seuls à pouvoir le faire. On rend compte de tout, de l’ensemble de la société", insiste l’historien. Ce recueil de témoignages souligne ainsi l’opposition singulière entre les mots des intervenants qui utilisent le "nous" et ceux des rescapés qui emploient le "je". "Chaque sous-groupe a son vocabulaire. Les hommes et les femmes n’utilisent pas non plus les mêmes mots pour répondre aux questions", résume Denis Peschanski. (...)

"Ce que l’on voit vraiment, c’est que les attentats du 13-Novembre sont l’événement emblématique sur lequel la mémoire s’est accrochée", souligne la sociologue. "Il y a plusieurs attaques majeures, comme Charlie Hebdo, l’Hyper Casher ou Nice, mais la séquence terroriste s’est concentrée sur le 13-Novembre".

Pour Sandra Hoibian, cette cristallisation s’explique par plusieurs facteurs : "Il y a le nombre de morts. C’est l’attaque qui a fait le plus de victimes. Il y a aussi le cadrage politique. Pour Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, il y a eu une onde de choc, mais aussi l’idée que c’étaient des cibles précises qui avaient été visées, des journalistes, des policiers ou des personnes de confessions juive. Le 13-Novembre, cela a été plus concernant. N’importe qui pouvait être visé, simplement parce qu’il était en terrasse ou à un concert". (...)

Au fil du temps, la mémoire s’affaiblit, mais celle du 13-Novembre s’estompe plus lentement. Le procès des attentats qui s’est déroulé de septembre 2021 à mai 2022, a également ravivé cette mémoire (...)

"Il faut mettre des mots"

Le Crédoc va poursuivre ses recherches avec une nouvelle série d’enquêtes en 2026. L’étude 1 000 va également mener une dernière salve d’entretiens l’an prochain. "Les gens reviennent", se félicite Denis Peschanski. Ce recueil de témoignages a ainsi une grande valeur scientifique, mais joue aussi indirectement le rôle de thérapie. (...)