
(...) Dans cette étude conduite avec le Chicago Project on Security & Threats, nous avons constaté qu’environ 10 % des adultes américains, soit l’équivalent de 26 millions de personnes soutiennent l’utilisation de la force pour empêcher Donald Trump de devenir président.
Nous avons également constaté que 7 % des adultes américains, soit l’équivalent de 18 millions de personnes, soutiennent l’utilisation de la force pour rétablir Donald Trump à la présidence.
Le constat est clair : aux États-Unis, il existe d’importantes minorités déterminées dans les différents camps. C’est une donnée très importante : la frontière entre l’implicite et l’explicite est de plus en plus fine. Ce soutien exprimé dans l’opinion à la violence politique donne une légitimité aux loups solitaires pour passer à l’acte, à l’étape suivante et devenir effectivement violents. (...)
D’un côté, on a un groupe de personnes qui pensent que si Donald Trump arrive à la Maison Blanche, ce sera la fin de la démocratie américaine. De l’autre, un groupe qui pense que la démocratie a déjà été subvertie — à travers, selon eux, le « vol » de l’élection de 2020. En parallèle de cet antagonisme, on assiste à l’émergence d’un sentiment diffus selon lequel les électeurs ne pourraient plus influencer le changement politique par les urnes, que des forces occultes seraient à l’œuvre pour empêcher la tenue d’élections libres et équitables. Or on sait que lorsque les gens ont le sentiment de ne pas pouvoir prise sur le cours des choses ou sur leur vie par les urnes, ils commencent à chercher désespérément d’autres moyens pour faire advenir le changement.
Le problème c’est que, dans l’ensemble, ce sont exactement ces personnes-là qui possèdent des armes à feu.
Cette culture de l’arme à feu fait partie du fossé culturel (...)
La période que nous traversons est sans doute mieux décrite comme un conflit que comme une guerre civile.
Ce conflit civil a lieu depuis des années : 7 à 10 % des manifestations contre George Floyd se sont transformées en émeutes au cours de l’été 2020. Moins d’un an plus tard, sur les 100 000 personnes qui se sont rendues à Washington D.C le 6 janvier, plusieurs milliers ont déclenché une émeute violente et attaqué le Capitole. Dans les deux cas, leurs défenseurs ont déclaré qu’il s’agissait essentiellement de manifestations pacifiques.
Mais le propre de la violence politique est d’être d’abord violente avant d’être politique. Autrement dit : on ne peut pas vraiment mesurer la violence d’un mouvement ou d’un événement seulement en fonction de la fraction violente par rapport à la fraction non violente. Ce qui s’est passé l’année dernière aux États-Unis est similaire : dans les manifestations en soutien à la cause palestinienne, un grand nombre ont fini par prendre d’assaut des bâtiments, jeter des briques dans les fenêtres, se battre sur de très nombreux campus universitaires. C’est ce qui s’est produit à l’automne 2023 puis à nouveau au printemps 2024. On a également constaté une augmentation des attaques de loups solitaires au cours des dernières années, ainsi qu’une augmentation des menaces tangibles à l’encontre des membres du Congrès — qu’ils soient républicains ou démocrates. (...)
La situation pourrait empirer au cours des prochains mois.
Si Donald Trump avait été assassiné — et il a manqué de l’être seulement de quelques millimètres — je déteste penser à ce qui aurait pu se passer et au genre de chaos qui aurait pu éclater dans le pays. (...)
Les États-Unis n’ont pas connu cette intensité de conflits depuis les années 1960. Et la vague à laquelle nous assistons a vraiment commencé à l’été 2020. (...)
Beaucoup de gens pointent du doigt les réseaux sociaux comme une cause possible. Le problème, c’est que dans nos enquêtes, la partie du public qui soutient la violence n’utilise pas les réseaux sociaux comme première source d’information, ni même d’ailleurs comme source secondaire. Ce n’est le cas que pour une petite fraction de cette partie violente.
Les répondants enclins à défendre l’usage de la force s’informent en fait essentiel par les médias traditionnels, les journaux, les principales chaînes câblées et publiques comme NPR, etc. Il faut aussi noter qu’au cours des dernières années, Trump a été banni de Twitter pendant une longue période et que cela n’a de fait pas eu d’impact. (...)
Les États-Unis traversent une période de transition démographique profonde et étalée dans le temps — en l’occurrence le passage d’une majorité blanche à une démocratie à minorité blanche. Cette transition s’opère de différentes manières depuis de nombreuses décennies, mais elle s’est particulièrement accélérée au cours des quinze dernières années. C’est ce qui explique en grande partie l’ascension de Donald Trump. L’on sait qu’elle se poursuivra au moins au cours des dix prochaines années environ (...)
l’immigration est le grand sujet de la politique américaine depuis maintenant près d’une décennie. Elle est devenue un clivage structurant de la vie politique américaine : une grande partie du pays souhaite arrêter à 100 % l’immigration. Pour ces Américains, il serait possible de mettre un coup d’arrêt à la transition démographique, la geler pour qu’elle ne se produise pas. Dans le même temps, une autre partie du pays souhaite que ce changement se poursuive, que l’immigration continue, voire qu’elle s’accélère. En d’autres termes, ils veulent que la transition démographique pour passer d’une démocratie à majorité blanche à une démocratie multiraciale soit encore plus rapide.
Ce clivage sous-tend selon une grande partie de la politique américaine et les principales sources de violence politique à travers les États-Unis. (...)
nous avons constaté que les menaces contre les membres du Congrès ont été multipliées par cinq à partir de la première année de l’administration Trump, en 2017. Et cela s’est poursuivi tout au long de l’administration Biden, avec une augmentation annuelle. Ainsi, sur la période allant de 2017 à 2023, le nombre de ces menaces documentées a été multiplié par cinq par rapport à la période 2001-2016.
Fait notable : cette augmentation de la menace est répartie équitablement sur les membres démocrates et républicains du Congrès. (...)