On s’est beaucoup extasié devant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024. Le show était au rendez-vous, les infrastructures étaient installées dans les temps, et Paris a quelque peu changé de visage le temps d’un été. Mais derrière cette image idyllique, il y a eu non seulement un rapt démocratique, que nous avions exploré avec Jade Lindgaard, des luttes sociales (abordées dans cet article sur la grève victorieuse des danseurs-ses), et des petites mains qui ont contribué dans l’ombre à la création de cette image idyllique.
A partir d’une enquête de 18 mois, la sociologue Maud Simonet a exploré les conflits et les tensions liés au statut des 45 000 bénévoles et les mobilisations écologiques et syndicales qui en ont émergé. Elle étudie et met en lumière les conditions politiques du bénévolat qui a été en réalité un travail invisibilisé. Contretemps publie ici un extrait de son livre.
La campagne des involontaires : une mobilisation par et contre le bénévolat aux JOP (...)
« Comme on fait beaucoup de veille sur les Jeux olympiques, d’une façon générale… l’idée d’y participer, d’une manière ou d’une autre, le jour J, trotte dans la tête de tout le monde, depuis le début. La question aussi de suivre au plus près possible ce qui se passe, et d’avoir les infos au plus près possible, c’est aussi quelque chose qui nous anime », m’explique Arthur. Lui, par exemple, s’était inscrit à la liste mail de la plateforme « Tous et toutes volontaires » lancée en février 2022 par le département de Seine-Saint-Denis « pour renforcer les chances des Séquano-Dionysien·ne·s de devenir volontaire des Jeux de Paris 2024, favoriser leur montée en compétences et valoriser le rôle du bénévolat ». Cette inscription lui donnait accès à de nombreuses informations sur les préparatifs locaux et nationaux du méga évènement, ainsi qu’à des formations auquel il participera d’ailleurs ponctuellement. (...)
Solidaires 93, le syndicat d’Arthur, est la première organisation syndicale à avoir dénoncé le recours au bénévolat pour les JOP dans le cadre d’une brochure intitulée JO Paris 2024 : un spectacle au service du capital, publiée début 2022. Quant à ASSO-Solidaires, le syndicat des salarié·es du secteur associatif auquel appartient Léo, il a régulièrement posé cette question des frontières du travail depuis le milieu associatif (...)
La campagne des involontaires vise donc à faire naître, converger et soutenir des initiatives individuelles de mobilisation contre les Jeux olympiques et paralympiques. Et surtout, elle permet de les rendre visibles, audibles, de les médiatiser. Ayant rapidement suscité l’intérêt des médias, elle devient alors, pour le collectif, une courroie de transmission de sa critique plus large des effets sociaux et environnementaux délétères des JOP, ceux de Paris 2024 en premier lieu mais plus largement et dans la suite des mouvements anti-olympiques internationaux, ceux des JOP en général.
Toutefois, dans la stratégie militante proposée par Saccage 2024, et à la différence sans doute de la plupart des tweets qui invitaient alors sur les réseaux sociaux à « infiltrer » les JOP de Paris 2024, le bénévolat ne constitue pas seulement un moyen pour se mobiliser. C’est, dès le départ, un enjeu en soi, comme en atteste le titre et le contenu de la tribune inaugurale publiée dans Basta ! : « Pas de bénévoles pour les JOP 2024 : un tutoriel pour gâcher leur campagne de travail dissimulé ». (...)
La dimension proprement juridique de l’argumentation, qui soutient qu’au regard du droit du travail français ce bénévolat-là devrait relever d’un contrat de travail, s’articule néanmoins à un autre registre de dénonciation qui renvoie davantage à la question de la légitimité politique du travail bénévole aux JOP. À qui profitent les JOP, interrogent les militant·es et donc pour qui et pour quoi travaille-t-on quand on travaille bénévolement pour cette entreprise-là ? (...)
« Comment un méga évènement sportif aussi lucratif pour ses organisateurs et ses sponsors peut-il reposer sur tant de bénévoles et de services civiques ? », s’interroge la tribune, avant d’estimer que rémunérer au smic horaire toutes ces personnes « reviendrait pourtant à moins de 1 % du budget total des JOP (évalué actuellement à 8 milliards d’euros) ». (...)