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les nouveaux parias
Article mis en ligne le 29 avril 2014
dernière modification le 24 avril 2014

Pourquoi les Roms attirent-ils toutes les haines, les suspicions, les comportements de rejet, d’exclusion, etc. ? Les Roms apparaissent comme les parias des parias alors que numériquement, ils ne représentent pas grand-chose. Pourquoi une telle focalisation politique et médiatique, en France et en Europe, autour de communautés que l’on a tôt fait d’amalgamer pour en faire un « problème rom » ?

En quoi leur « traitement » en France est-il symptomatique de la politique à l’égard des étrangers, faite d’ostracisme et de déni des droits ? À moins que leur « particularité », du fait de leur citoyenneté (européenne), de leur mobilité (supposée, érigée en principe et alimentée par les expulsions), de leur résidence (autorisée... aux marges et forcément conditionnée), ne pose de manière abrupte la question de la légitimité des migrations...

Les relations que les Roms entretiennent avec la mobilité proviennent d’une histoire que, sans doute, l’Europe aimerait oblitérer : histoire faite de persécutions, d’interdits, d’enfermements, de bannissements et d’une tentative de génocide à l’époque nazie. La chute du mur de Berlin et la fin de l’empire soviétique, loin de leur être profitables, ont plongé nombre de membres des minorités roms dans une situation catastrophique. En Roumanie, en Hongrie, dans tous les pays de l’ancienne URSS, les Roms ont subi toutes sortes d’exactions, pogroms, lynchages, spoliations, expulsions… Des milliers d’entre eux ont alors dû fuir, s’exilant en Amérique du Nord ou en Europe.

Cette histoire se continue aujourd’hui, même si c’est avec moins de violence, et est à l’origine de la mobilité des Roms en France. La libre circulation des ressortissants européens dans l’espace Schengen aurait dû leur donner enfin la possibilité de s’établir là où ils trouvaient sécurité et ressources économiques. Mais l’hostilité à leur égard les empêchant d’accéder normalement au travail salarié, au logement, à l’usage de la plupart des services publics et à l’exercice de nombre de droits les oblige à vivre en France dans des bidonvilles à l’écart des centres urbains, sur des terrains encore accessibles : friches industrielles, terrains vierges, aires de stationnement de gens du voyage, no man’s land et, quand aucun espace de ce type n’est disponible, ils et elles s’installent sur des terres agricoles, des aires de sport, des parcelles privées… Les Roms font ainsi ce que font d’autres catégories de populations rejetées : les SDF qui montent des cabanes en forêt, les travailleurs pauvres qui logent dans des mobile homes sur des terrains de camping à l’année, les exilés des «  jungles  » qui squattent des usines désaffectées ou bricolent des abris près des aires d’autoroutes… (...)

Dans les discours les plus récents les concernant, de « nouveaux » arguments sont opposés à la légitimité de leur présence : ils auraient « vocation à » (sic) retourner en Roumanie, a déclaré le ministre de l’intérieur. Ah ? (Et les Roms de Hongrie et du Kosovo aussi ?... Tout le monde en Roumanie ?). Ils auraient, a continué le ministre, un mode de vie radicalement différent « du nôtre » (quid ?). Mais à quoi donc fait-il allusion ? Aux talents musicaux ? Aux savoir-faire artisanaux ? À l’habitat précaire ? À la proverbiale saleté ? Aux ancestrales accusations (voleurs de poules, etc.) ? On n’en saura pas plus en écoutant le ministre, pas plus qu’on n’a besoin d’en dire davantage dans des propos de comptoirs, tant la façon de vivre de « ces gens-là » est connue de tous et honnie de tous.

En attendant, les Roms, populations de diverses nationalités et transnationales à la fois, s’obstinent, dans ce contexte d’ostracisme et de déni de justice, à revendiquer des droits. Et cette revendication pose avec une particulière acuité la question des frontières et, au-delà, celle de la légitimité des migrations.