
Bonjour à tous,
Je suis médecin pédopsychiatre, directrice médicale d’un CMPP (Centre Médico PsychoPédagogique pour enfants et adolescents de 0 à 21 ans) et consultante dans un autre CMPP. Je ne suis pas un numéro de dossier que l’on traite avant de passer au suivant.
Je ne pars pas vers de nouveaux horizons, contrairement à ce que vous avez pu lire dans un mail récent de la direction générale. A la fin du mois de septembre, j’ai reçu un courrier recommandé de la directrice générale m’informant du non renouvellement de mon détachement au sein de l’association qui gère les CMPP dans lesquels je travaille, ce qui met fin de fait à mon CDI à la fin de cette semaine, 6 semaines après réception du 1er courrier.
Aucun préambule, aucun délai de prévenance, juste un courrier administratif, où l’on dit être à ma disposition. Je réponds donc, par courrier puis par mail, pour demander des explications et demander à être reçue, puis des membres du CSE demandent à ce que je sois reçue. Pas de réponse. J’écris à la Présidente de l’association : pas de réponse.
Je ne sais même pas pourquoi je pars. Je ne suis pas remerciée par mon supérieur hiérarchique, directeur de secteur, qui m’a recrutée avec enthousiasme il y a 3 ans, mais qui ne répond plus à mes mails devenus encombrants. Partout on cherche des pédopsychiatres ; ici, on supprime leur poste. Aucune proposition ne m’a été faite par la direction ; aucune plainte de famille à mon encontre non plus.
A quoi sert un pédopsychiatre ? A parler des enfants oubliés. A défendre le soin psychique dans toute sa pluralité, comme priorité absolue pour l’avenir de nos enfants. (...)
Voilà également W, 11 ans, qui a une vie si dure qu’il pleure rien que de se lever en salle d’attente. Il a perdu le goût de vivre depuis son placement, il ne veut plus manger, encore moins parler à une pédopsy.
Nous prenons le temps de la rencontre avec son accompagnatrice, on commence à tracer des chemins possibles, il choisit le sien. En sortant de là, il part au fast-food du coin et avale 2 desserts. Je m’engage à le suivre de près, il dit d’accord. Puis j’apprends la perte de mon poste. Aujourd’hui, je lui dis que je m’en vais ; une rupture de plus dans son parcours et pas d’autre médecin pour poursuivre le travail. Il hausse les épaules, les larmes aux yeux. Voilà encore S, pré adolescente toute inhibée qui ne veut pas déranger, soucieuse de laisser la place à son frère lourdement handicapé et sa mère malade. A son père qui me demande le sens d’avoir attendu un si long moment un premier rendez-vous pour que je lui explique finalement que l’administration a décidé de se passer de mon poste, je ne sais pas quoi répondre. La jeune S tapote le bras de son père, "ne t’inquiète pas, on a l’habitude". Il y a le jeune N, avec son TDAH, qui apprend mon départ en discutant dans son groupe thérapeutique, qui me croise dans le couloir et n’arrive pas à me regarder ni à me parler, il veut juste sortir du CMPP. Sa mère est révoltée, elle me dit l’affection et la confiance qu’ils avaient envers moi. Ils s’en vont, mais lui fait demi-tour pour venir me sauter dans les bras. Et il y en a tant d’autres, qui attendaient un diagnostic, la réévaluation de leur traitement, une continuité dans leur vie si discontinue, ou juste leur rendez-vous habituel... et à qui je ne pourrai pas dire au revoir autrement qu’avec un courrier... il y a nos partenaires aussi, qui œuvrent au bien-être d’enfants et qui savent les besoins médicaux pour ces enfants, et qui sont inquiets, et qui l’ont signalé à l’ARS. (...)
Pour pouvoir aider à prendre des décisions pour un enfant, il faut bien connaitre son équipe, avoir le temps de discuter et d’écouter chacun lors des synthèses, de penser un projet thérapeutique qui conviendra le mieux à l’enfant. On ne fait pas ça sur un coin de table, en saupoudrage. On mouille la chemise.
Les équipes des CMPP dans lesquels je travaille se sont mises en grève cette semaine pour dire leur inquiétude et demander des explications. Qui l’a su ? (...)
Ce n’était pas parfait, mais nous avons toujours fait de notre mieux. Gardez votre esprit critique, vérifiez les informations, et n’ayez pas peur de dénoncer les injustices. Faites vivre pour de bon "la solidarité en action".
Mobilisez vous ! Au revoir !