
Le 27 janvier 1945, Auschwitz-Birkenau était libéré par l’armée soviétique. Quatre-vingt ans plus tard, il ne reste plus que de rares survivants de ce camp nazi situé en Pologne annexée par le IIIe Reich. À bientôt 100 ans, la Française Ginette Kolinka continue de témoigner auprès de la nouvelle génération de "ce que la haine peut provoquer".
(...) Depuis une vingtaine d’années, elle ne cesse de se rendre auprès des plus jeunes. "Je vais leur parler, mais ce n’est pas vital pour moi. Je pourrai très bien rester ici", estime cette survivante qui va fêter son centenaire le 4 février prochain. "L’important ce n’est pas de raconter mon histoire, mais de leur faire comprendre ce que la haine peut provoquer". (...)
"Il y avait des hurlements. Ils nous poussaient sur le quai. Je ne comprenais rien à ce qu’ils disaient". Des soldats allemands indiquent finalement des camions pour les personnes les plus fatiguées. Ginette Kolinka conseille alors à son père et à son frère de monter dans ces véhicules : "Mon père m’a écouté, mais ils étaient déjà partis quand j’ai voulu les embrasser".
Séparée ensuite de son neveu, Ginette est sélectionnée pour le travail forcé et fait son entrée dans le camp des femmes à Birkenau. La déshumanisation débute brutalement. "Ils nous font rentrer dans une pièce. ’Schnell ! Schnell ! Déshabillez-vous !’", décrit-elle. "Quand on me demande ce qui a été le pire, c’est cela, le moment où j’ai été obligée d’être nue. Je n’étais plus rien. Je cachais mes seins, mon sexe et je n’osais pas regarder les gens". La jeune fille est ensuite tatouée puis rasée sur tout le corps. (...)
Humiliée, elle ne comprend toujours pas dans quel lieu elle se trouve. Elle espère encore revoir son frère et son père. Mais des déportées présentes depuis plus longtemps dans le camp balayent rapidement ses espoirs : "Ces femmes ne sont déjà plus des êtres humains. Au lieu de nous ménager un peu, elles nous disent de regarder la fumée. C’est là que j’apprends sans aucune précaution qu’il s’agit d’une usine de la mort et que tous ceux qui sont montés dans les camions ont été assassinés dans les chambres à gaz". Huit décennies plus tard, la douleur est toujours aussi forte. Ginette Kolinka vit depuis avec cette culpabilité de les avoir "envoyés à la mort".
Devenue le matricule 78599, elle subit les séances d’appel interminables, les privations alimentaires, la violence des kapos et la dureté des corvées et des travaux. (...)