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Attac France
mardi 6 janvier 2015, par Jean-Marie Harribey *, Jean Tosti *
/Les possibles
Article mis en ligne le 9 janvier 2015
dernière modification le 6 janvier 2015

La vingtième conférence des parties, dite COP 20, sous l’égide de l’ONU, qui vient de s’achever à Lima est un échec complet. Un de plus. Depuis celle de Kyoto en 1997, qui avait adopté un premier protocole, toutes ont avorté : impossible de trouver un engagement concret à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, qui continuent à augmenter à un rythme élevé (aujourd’hui, dans le monde, environ 50 % de plus d’émissions annuelles qu’en 1990). À tel point que le cinquième rapport du GIEC de 2014 annonce que, très probablement, la hausse des températures atteindra entre +3,7 °C et +4,8 °C au cours de ce siècle, peut-être même davantage.

Pendant que les assureurs s’activent pour créer des « obligations catastrophes », le risque d’emballement climatique laisse de marbre les gouvernements, représentants d’intérêts divergents à court terme, parce que les États riches ne veulent pas assumer leur responsabilité historique et que les États « émergents » – mais certains bien émergés maintenant – font la sourde oreille tant qu’ils n’ont pas rattrapé les premiers en termes de développement dévastateur. Donc, la COP 20 n’a abouti qu’à un texte aussi mièvre que désespérant. C’est de très mauvais augure pour la COP 21 de 2015 à Paris. Les seules chances qui subsistent résident d’une part dans les mobilisations sociales, très importantes à Lima, qui se poursuivront dans un cadre très unitaire à Paris, et d’autre part dans l’émergence d’une conscience de la nécessité de promouvoir des biens communs, hors de l’emprise du capital et des forces du marché.

Notre revue consacre ainsi son dossier à la problématique des biens communs. Celle-ci prend une place de plus en plus importante dans la recherche théorique et est devenue une préoccupation centrale des mouvements sociaux. Parce qu’elle entre en contradiction directe avec la marchandisation conduite par le capitalisme, et aussi parce que la proximité avec la défense des services publics non marchands et de la protection sociale est grande, la définition des biens communs fait l’objet de nombreuses discussions, surtout depuis l’attribution, en 2009, du prix de la Banque de Suède en l’honneur d’Alfred Nobel à Elinor Ostrom, qui en avait renouvelé l’approche, et qui est devenue la référence de départ incontournable.

Les lecteurs trouveront dans notre dossier une première série de textes qui abordent le concept de biens communs, de communs (au pluriel) et de commun (au singulier). En premier lieu, Fabienne Orsi s’inscrit dans le sillage d’Ostrom pour montrer que l’enjeu, à travers les communs, est de « reconquérir la propriété ». Et cela est possible grâce à la définition de celle-ci par un « faisceau de droits » : le droit d’accès, le droit de prélèvement, le droit de gestion, le droit d’exclure et le droit d’aliéner. Ce « faisceau de droits » est sans doute le point commun à beaucoup de travaux de recherches sur les caractères des communs que les textes suivants explorent.

Allant au-delà d’Ostrom, l’originalité de Pierre Dardot et Christian Laval, auteurs cette année d’un ouvrage remarqué, est de conduire une réflexion sur le principe du « commun » au singulier, qui est un principe de droit d’usage. Celui-ci ne doit pas être pris comme portant sur une chose extérieure, mais comme « l’agir » d’une communauté. On se doute qu’une telle conception radicale donne matière à réflexion. (...)

Sous un autre angle, Jacques Cossart revient sur la notion de bien public mondial. Celle-ci se démarque des précédentes, à la fois par le fait qu’elle est née essentiellement au sein du Programme des Nations unies pour le développement, et parce que, chez les chercheurs du PNUD, elle renvoie avant tout à une conception des droits humains universels. Dès lors, J. Cossart prend soin de souligner la construction sociale de tels biens et l’importance de la réponse à apporter à des problèmes aussi cruciaux que l’alimentation, l’éducation, le climat… Ce qui nous ramène aux difficultés de nouer un nouvel accord international sur le climat, que nous évoquions au début de cette présentation.

Dans sa contribution, Jean-Marie Harribey, en faisant un tour d’horizon des conceptions en présence, tente une synthèse qui marque les différences mais aussi la complémentarité des biens communs, collectifs et publics. (...)