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Mediapart
Mathilde Panot dénonce « une fuite en avant autoritaire »
#democratie #autoritarisme #LFI #MathildePanot
Article mis en ligne le 5 mai 2024
dernière modification le 4 mai 2024

Mardi 30 avril, la député La France insoumise (LFI) Mathilde Panot, présidente du groupe mélenchoniste à l’Assemblée nationale, a été entendue pendant plusieurs heures au commissariat après une plainte pour « apologie du terrorisme ». Ce jour-là, sa camarade Rima Hassan, candidate aux élections européennes, était elle aussi auditionnée.

Quelques heures plus tard, Mathilde Panot raconte à Mediapart la façon dont les choses se sont déroulées avec les enquêteurs. Surtout, elle s’inquiète du musèlement de l’opposition politique et plus généralement de la « criminalisation des voix de la paix » au Proche-Orient, depuis les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023 en Israël. Une dérive qui remonte, selon elle, au mouvement des « gilets jaunes ». (...)

Mathilde Panot : Avant tout, je tiens à remercier toutes les organisations, militants, citoyens, politiques qui se sont rassemblés mardi matin pour rappeler leur attachement à la liberté d’expression et dénoncer la criminalisation des voix de la paix. Une audition pour « apologie du terrorisme » n’est pas neutre. Ce n’est pas une « simple formalité ». J’ai la chance de bénéficier d’un fort soutien public. Ce n’est pas le cas d’autres dizaines de personnes qui se retrouvent elles aussi convoquées de façon totalement absurde et injuste pour les mêmes motifs, et sont parfois même perquisitionnées.

Ce qui se produit dans notre pays est une fuite en avant autoritaire sans précédent. Conférences annulées, responsable syndicale condamné, harcèlement médiatique, méthodes de l’antiterrorisme appliquées aux opposants politiques [lire ici – ndlr]. C’est l’ensemble de la bourgeoisie autoritaire au pouvoir qui s’est mise en mouvement contre le camp de la paix. Dans quelle démocratie, une présidente de groupe parlementaire d’opposition se retrouve à devoir répondre de ses opinions politiques devant la police judiciaire ? Emmanuel Macron a recréé une police de la pensée.

Pour ce qui est de l’audition en elle-même, les questions étaient liées à nos positions politiques. J’avais l’impression de revivre certaines interviews sur les plateaux de télévision qui ressemblent plus à des interrogatoires qu’à des entretiens. Les questions étaient quasiment identiques.

Cette convocation comme celle de Rima Hassan interviennent donc dans le cadre d’une instrumentalisation de la justice et de la police en vue d’un résultat électoral.

Jusqu’où ira ce pouvoir ? Vont-ils convoquer pour apologie du terrorisme l’ONU, l’AFP ou encore Amnesty International qui refusent de qualifier de terroristes les organisations pour rester dans le cadre du droit international ? J’ai fait le choix de m’en tenir à une déclaration liminaire que j’ai rendue publique. Ces abus de pouvoir qui déshonorent notre pays et souillent son image devant le monde doivent cesser. Car comme l’écrivait déjà Flaubert, la censure est un attentat contre la pensée. (...)

La France a déjà été condamnée en 2022 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la manière dont elle sanctionne les prétendues « apologies du terrorisme ». Et puisqu’il s’agit d’un communiqué de mon groupe parlementaire, je rappelle que les parlementaires sont protégés des poursuites depuis la Révolution française, non comme un privilège, mais pour assurer leur liberté de parole, l’indépendance de leur mandat et les protéger des pressions de l’exécutif. (...)

Je suis fière que mon groupe parlementaire ait été le seul à l’Assemblée nationale à refuser d’applaudir au « soutien inconditionnel » à Nétanyahou, fière d’avoir toujours parlé la langue du droit international. Nous avons condamné très clairement les crimes de guerre commis par le Hamas. Nous avons dit à chaque instant qu’aucun crime de guerre ne justifiait d’autres crimes de guerre et que toutes les vies humaines se valent, toutes sans exception.

Nous n’arrêterons pas de nous mobiliser pour le cessez-le-feu immédiat, pour l’interdiction des ventes d’armes au gouvernement d’extrême droite de Nétanyahou, pour la suspension de l’accord d’association Union européenne-Israël et pour la reconnaissance de la Palestine. (...)

Cette convocation comme celle de Rima Hassan interviennent donc dans le cadre d’une instrumentalisation de la justice et de la police en vue d’un résultat électoral.

Voyez-vous derrière cette affaire la main du pouvoir politique ?

Je dirais des pouvoirs politiques. Les personnes qui ont porté plainte sont proches de l’extrême droite au pouvoir en Israël. Tout comme ceux qui organisent des campagnes de harcèlement et de menaces à l’encontre des députés insoumis – depuis octobre, nous sommes régulièrement la cible de vagues d’appels menaçants et insultants, et certains d’entre nous ont même été agressés physiquement.

Mais c’est bien le ministère public qui a choisi de donner suite à ces plaintes (...)

Tout cela procède d’une atteinte toujours plus poussée à nos libertés fondamentales. Personne n’en sortira indemne. J’alerte d’ailleurs nos concurrents politiques qui, par calcul politicien, laissent passer sans protester les attaques contre les Insoumis. Ils ne sont pas à l’abri d’en être les prochaines victimes. J’alerte car il n’y a que deux attitudes possibles face à l’autoritarisme : soit y céder, soit y résister ! (...)