Un seul survivant, sur un morceau d’embarcation. C’est la seule trace retrouvée, pour le moment, d’un bateau parti de Libye avec 117 passagers à bord. Ce naufrage survenu le 19 décembre, sur lequel Alarm Phone a donné l’alerte, est le plus lourd de l’année en Méditerranée centrale. Les autorités tunisiennes et libyennes ont reçu des appels d’ONG et de la société civile mais n’ont pas, selon ces sources, lancé d’opération de recherche et sauvetage.
"Je suis très inquiet pour mon frère. Il a pris la mer il y a six jours et je n’ai pas de nouvelles de lui depuis", confie à InfoMigrants le frère cadet d’un potentiel disparu dans un lourd naufrage, intervenu le 19 décembre en Méditerranée centrale. Pour l’heure, 116 exilés ont disparu, un seul survivant a été retrouvé.
C’est la plateforme Alarm Phone, réceptrice d’appels de détresse, qui a donné l’alerte publiquement le soir du réveillon de Noël. Dans un rapport détaillé des évènements, basé notamment sur le récit du survivant, Alarm Phone indique avoir reçu l’alerte sur ce naufrage le 20 décembre grâce à un proche de l’un des passagers.
Il en ressort que, deux jours plus tôt, le 18 décembre, des candidats à l’asile vers l’Europe embarquent dans une embarcation depuis la ville côtière de Zouara. Située à l’est de la Libye, celle-ci proche d’une soixantaine de kilomètres de la frontière tunisienne.
"Ils venaient de divers baraquements et appartements en Libye où attendent les candidats au passage. Ils ont pris la mer vers 22 heures", confirme par téléphone à InfoMigrants la journaliste et chercheuse indépendante égyptienne Amira Al-Tahawi, en lien avec plusieurs familles de disparus.
Grâce à ses échanges avec les familles, Amira Al-Tahawi a pu déterminer que la majorité des passagers à bord étaient égyptiens. Une partie venait du village de Khaleel El Gendy, proche de la ville de Itsa, dans le gouvernorat de Fayoum, au centre du pays. Tandis qu’une autre partie était originaire du district de Azbet Abu Shalabi, dans le gouvernorat de Ash-Sharqiyah, au nord-est du pays.
À bord, "il y avait aussi des Érythréens et des Somaliens. Ainsi que quelques personnes du Darfour", région à l’ouest du Soudan, précise la journaliste. Selon elle, des adolescents se trouvaient également parmi les passagers de l’embarcation.
Absence de réactions des pays concernés (...)
Un seul survivant, "dans un état très fragile"
Le 21 décembre, ce sont des pêcheurs tunisiens qui découvrent un reste du bateau, auquel s’accroche un homme. Il serait le seul survivant du naufrage, selon ses dires, rapportés par Alarm Phone. Selon cette même source, l’homme se trouvait dans un état critique et a été amené d’urgence par les pêcheurs dans un hôpital tunisien.
Amira Al-Tahawi confirme l’information et précise qu’"il s’agit d’un homme de 44 ou 45 ans, qui a sa famille en Égypte". "Il les a appelés par téléphone deux fois, depuis qu’il a été retrouvé par les pêcheurs. Mais il ne va pas bien du tout : il a été retrouvé inconscient, il est dans un état très fragile", affirme la journaliste. (...)
Les 116 autres personnes demeurent portées disparues. Sans qu’aucune opération de recherche en mer, ni communication officielle, n’ait été lancée à ce stade par les États concernés, selon Alarm Phone : "on nous a dit que les conditions météorologiques, en particulier pendant la nuit du 18 au 19 décembre, étaient si mauvaises qu’il était « impossible » de prendre la mer."
Frontex n’a "rien détecté" les 21 et 22 décembre (...)
De son côté, l’ONG Sea-Watch - partenaire d’Alarm Phone pour ses activités de recherche et sauvetage en Méditerranée - a activé le peu de moyens disponibles dès réception de l’alerte par Alarm Phone. "Avec le peu d’informations dont nous disposions à ce moment-là, l’équipage de notre avion Seabird s’est envolé à la recherche de plus d’informations sur le bateau en bois dans les jours qui ont suivi. Malheureusement, nous n’avons trouvé aucune trace", explique Giulia Messmer, la porte-parole. (...)
Le naufrage le plus lourd de 2025 en Méditerranée centrale
Ce naufrage pourrait être celui avec le plus grand nombre de victimes de toute l’année 2025 en Méditerranée centrale, si l’on se réfère à la base de données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). "C’est le naufrage le plus important de l’année sur cette route migratoire", confirme Sea-Watch, après analyse de ses propres archives.
Malgré l’ampleur de l’évènement, "nous ne sommes pas surpris qu’il ait peu de couverture : l’attention, l’empathie et la volonté politique d’agir vis-à-vis de la situation en Méditerranée déclinent de plus en plus, ces dernières années", déplore Giulia Messmer, porte-parole de l’ONG. Le fait qu’il survienne en pleine période de Noël a participé à cette invisibilisation, analyse une autre porte-parole de Sea-Watch, Giorgia Linardi, dans Il Manifesto. (...)
Sur ses réseaux sociaux, Amira Al-Tahawi met en garde les proches à la recherche de la moindre piste. "Ce phénomène apparaît à chaque fois : des gens surveillent les posts des familles sur les réseaux sociaux. Ils récupèrent facilement leurs pièces d’identité, celles de leurs enfants disparus, de leurs parents... Il faut faire très attention. Si tu paies pour des informations, tu perds ton argent, et en plus, tu gardes espoir que ton enfant soit vivant".