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"Mon salon de beauté sera ouvert à toutes les femmes" : le rêve de Sandra, Congolaise de 32 ans, l’une des seules réfugiées de Macédoine du Nord
#Macedoine #exiles #migrants #immigration #UE
Article mis en ligne le 22 novembre 2025
dernière modification le 17 novembre 2025

Sandra et ses enfants, venus de République démocratique du Congo (RDC), sont l’une des deux seules familles de réfugiés vivant actuellement en Macédoine du Nord. Dans ce pays de transit sur la route des Balkans, où le droit d’asile est très rarement accordé, peu d’exilés s’arrêtent. Sandra, elle, en a eu assez de son éprouvant parcours d’exil, marqué par une séparation de six mois avec son fils. Elle a décidé de rester à Skopje et de gagner son autonomie par le travail. Témoignage.

(...) "Mon mari habite en France, il a obtenu un titre de séjour de dix ans. Quand j’étais encore au Congo-Kinshasa il a essayé de nous faire venir en France via le regroupement familial, mais cela prenait des années. J’ai fini par abandonner ces démarches et à chercher une façon plus rapide de le retrouver. Je suis partie en 2018 : j’ai traversé le Congo-Brazzaville, le Sénégal, le Maroc, la Turquie, la Grèce... J’ai vécu beaucoup de choses durant ce long voyage : en arrivant en Macédoine du Nord, j’ai craqué.

D’abord, j’ai dû gérer un gros problème à la frontière macédonienne. Mon mari est venu en Grèce en voiture pour nous récupérer, mon fils de deux ans et moi, alors enceinte de neuf mois. Il voulait essayer de nous ramener en France comme ça, en roulant vers l’Europe de l’Ouest. Sauf que mon mari a un passeport et des documents français tandis que moi, j’avais des faux documents et pas de passeport. Alors, nous avons été bloqués à la frontière macédonienne. La police qui nous a arrêtés m’a dit : ’Vous, il faut que vous alliez à l’ambassade française à Skopje pour avoir des documents valides’. (...)

Mon mari a continué la route seul avec mon fils dans l’idée que moi, je les rejoigne en France après avoir fait les démarches auprès de l’ambassade. Je suis restée à l’hôtel à la capitale, enceinte, pour essayer de sortir de cette situation.

Mais juste après sur leur route, c’est la police serbe qui a arrêté mon mari et mon fils. Les autorités ont demandé la mère de l’enfant. Mon mari a essayé d’expliquer que j’étais en Macédoine pour des démarches, mais ils insistaient, il fallait que je sois là. Mon mari a dû revenir ici à Skopje me chercher, tandis qu’en attendant, les services de l’assistance sociale en Serbie ont envoyé mon fils dans une institution pour les enfants placés, ceux qui n’ont pas de parents.
"Je n’ai pas eu de nouvelles de mon fils pendant six mois"

Quand mon est revenu me voir, il m’a exposé la situation. Il me répétait : ’Courage, ne pleure pas, sois forte. Ici en Europe il y a beaucoup d’avocats pour aider à récupérer notre fils’. Cette séparation, c’était en décembre 2018.

J’ai accouché à peine deux mois plus tard, en janvier 2019, alors que mon fils était encore en Serbie. C’était très dur de tout gérer en même temps. Tous les jours, il y avait des complications. Mon mari a dû repartir en France, mon fils était coincé en Serbie, et moi ici en Macédoine, avec mon bébé.

Je ne pouvais même pas avoir mon fils au téléphone. Je suis restée six mois sans nouvelles de lui. Jusqu’à ce qu’une association me confirme qu’il était bien toujours là-bas. On me disait de me calmer, je répondais : ’Comment ça, me calmer ? J’ai besoin de mon fils, je suis maman. J’ai besoin de lui. Toutes les nuits, tous les jours’.

J’ai fini par réussir à récupérer mon fils au bout de six mois, en juin 2019, grâce à des avocats et à la Croix-Rouge macédonienne. (...)

Après cette épreuve, je voulais rester ici. Dès mon arrivée en 2018 j’avais demandé l’asile. Après avoir récupéré mon fils, j’ai obtenu la protection temporaire. C’est calme ici, c’est bien pour les enfants. Et puis j’ai plein de projets. Depuis j’ai obtenu le statut de réfugié. (...)

Coiffeuse, employée par la Croix-Rouge, femme de chambre : gagner son autonomie

À mon arrivée, personne ne parlait français, je ne comprenais rien. J’ai appris la langue macédonienne grâce à la Croix-Rouge, avec des cours quotidiens. Ce n’était pas facile à apprendre. J’ai passé un certificat de langue macédonienne en 2022. Maintenant, je comprends tout. Je l’écris, je le lis. J’ai aussi un peu appris l’anglais ici.

En 2020 j’ai commencé à travailler à Skopje dans un salon de coiffure, mais il a fermé pendant le Covid. Début 2021, la Croix-Rouge m’a aidé à trouver un nouveau travail, dans leur association, dans un local de dons de vêtements. Je repassais les vêtements, je rangeais...

J’y ai travaillé pendant presque cinq ans. C’était bien mais le salaire était bas. (...)

J’ai fini par trouver, il y a trois mois, un emploi comme femme de chambre dans un hôtel de luxe de la capitale. C’est payé à peu près 600 euros par mois. Pour huit heures de travail par jour, cinq jours par semaine.
"Je sais ce que je veux : ouvrir mon salon"

C’est bien d’avoir trouvé cet emploi, mais ce n’est pas du tout mon projet. Je fais ce travail juste pour l’argent. Quand je me présente à mes collègues, je leur dis que je suis coiffeuse. Elles me répondent : ’Mais pourquoi tu travailles ici ? Tu gagnerais plus d’argent en étant coiffeuse !’. Elles ne comprennent pas mon parcours, alors je reste discrète, je ne parle pas de mon vrai projet.

Je sais juste ce que je veux, au fond de moi. Je veux ouvrir mon salon de coiffure et de beauté, un jour. Et jamais je ne m’arrêterai, jusqu’à ce que j’y arrive. (...)

Pour réussir cela, j’ai passé plein de certificats. (...)

Il faudrait que j’aille en Grèce ou au Kosovo pour acheter du matériel de coiffure. Il y a des choses que l’on ne trouve pas ici en Macédoine. Le seul problème c’est qu’avec les documents macédoniens, on ne peut pas sortir du pays, circuler en Europe, car la Macédoine ne fait pas partie de l’espace Schengen. Par exemple pour mon mari, c’est lui qui vient depuis la France me visiter quatre à cinq fois dans l’année, durant une semaine à deux mois, selon ses possibilités avec le travail.
"Où est-ce que j’irais ailleurs ?"

C’est normal que tout cela ait pris du temps : quand je suis arrivée en Macédoine, je n’avais même pas de vrais papiers. Aujourd’hui : tout est prêt, les diplômes tout ça, mais je n’ai juste pas l’argent. Il me faut l’aide de quelqu’un. Je n’ai vraiment pas besoin de beaucoup pour me lancer : je peux commencer ici à la maison, en étendant mon activité avec plus de matériel, plus d’organisation. (...)

Il y a beaucoup de salons à Skopje, mais peu pour les cheveux afro. Je ne connais que deux personnes qui en font. Moi, je ferai de la coiffure pour toutes les natures de cheveux. Et pas que de la coiffure : un vrai salon de beauté avec des activités diverses, pour toutes les femmes. Je suis sûre de vouloir ouvrir ce salon ici à Skopje, en tout cas. Ma fille est née ici en Macédoine. Où est-ce que j’irais ailleurs ?