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France Inter
Nestlé et d’autres industriels ont purifié illégalement de l’eau contaminée pour continuer de la vendre
#eau #eauminerale #fraude #contaminations #Nestlé
Article mis en ligne le 1er février 2024
dernière modification le 31 janvier 2024

Le Monde et la cellule investigation de Radio France ont découvert que plusieurs industriels du secteur agroalimentaire appliquaient à leurs eaux en bouteille des traitements interdits. Parmi eux, Nestlé qui a ainsi caché la contamination de son eau. Foodwatch porte plainte pour "tromperie".

Lorsqu’une information nous indispose, feignons d’en être les organisateurs. Dans un article intitulé “Perrier, Vittel, Contrex : Nestlé fait son mea culpa”, le journal Les Échos révélait le lundi 29 janvier 2023 que “pendant des années, Nestlé avait enfreint la réglementation pour maintenir la sécurité de ses eaux”. Cette opération “mea culpa” de la part de la multinationale a en réalité été orchestrée par ses équipes de communication.

Nestlé a feint de jouer le jeu de la transparence médiatique parce qu’elle savait, à travers les questions que nous lui avions envoyées, que Le Monde et la cellule investigation de Radio France s’apprêtaient à publier une enquête embarrassante révélant la nature de ses pratiques. Une enquête que nous conduisons depuis plusieurs mois, et qui révèle une affaire bien plus complexe que ce que le géant suisse voudrait faire croire.

L’association de défense des consommateurs Foodwatch a annoncé à France Inter mardi soir qu’elle allait porter plainte pour "tromperie". (...)

Il est aussi indiqué qu’“en réponse aux demandes de l’industriel”, et après “différents échanges avec des représentants de Nestlé Waters”, le cabinet de la Première ministre, Élisabeth Borne, accorde à Nestlé “la possibilité d’autoriser par modification des arrêtés préfectoraux la pratique de la microfiltration inférieure à 0,8 micron”. Intrigués par ce document en apparence assez technique, Le Monde et la cellule investigation de Radio France ont découvert l’existence d’une tromperie qui dure depuis des années. (...)

Des traitements interdits (...)

Sur la base d’un signalement d’un salarié d’une usine du groupe Alma, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ouvre une enquête. Elle découvre que l’entreprise fait subir à ses eaux minérales des traitements non conformes à la réglementation : injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, microfiltration inférieure aux seuils autorisés, mais aussi mélanges d’eaux dites “minérales” ou “de source” avec de l’eau… du réseau, celle qui coule au robinet. (...)

Une vaste tromperie consignée dans un procès-verbal titanesque, de plus de 120 pages, conservé sous clé dans le bureau d’Éric Neveu, procureur de Cusset (Auvergne-Rhône-Alpes), qui a ouvert une enquête préliminaire le 7 juillet 2023. (...)

dans le cadre de son enquête de 2020, la répression des fraudes fait une autre découverte. Le groupe Alma serait loin d’être le seul à avoir recours à des traitements interdits. L’exploitation des listings clients du groupe révèle qu’une part importante des industriels du secteur achètent des filtres non autorisés. Et en analysant les fichiers des fournisseurs de filtres, les enquêteurs découvrent, parmi les noms des clients, celui d’un géant de l’agro-industrie : Nestlé Waters, la division mondiale pour l’eau embouteillée du groupe Nestlé, qui dispose de deux sites de conditionnement d’eau minérale naturelle en France : dans les Vosges (Vittel, Contrex, Hépar), et dans le Gard, à Vergèze (Perrier). (...)

Selon l’article 40 du code de procédure pénale, tout officier public “ayant acquis la connaissance d’un crime ou d’un délit” doit immédiatement saisir le procureur de la République. Pourtant, à ce stade de l’affaire, le gouvernement décide de ne pas informer la justice ni les autorités européennes. Selon l’article 11 de la directive 2009/54/CE sur les eaux minérales naturelles, si un État membre a des raisons d’estimer qu’une eau ne respecte pas la réglementation, il doit pourtant en informer immédiatement la Commission et les autres États membres. Mais là encore, aucune information n’est transmise par la France, comme nous l’a confirmé la Commission.

En attendant, lors du rendez-vous organisé à Bercy, Nestlé ne fait pas qu’informer le gouvernement. Il sollicite la possibilité de pouvoir continuer à avoir recours à ces traitements interdits. La multinationale lui demande même d’étudier la possibilité d’une évolution de la réglementation en sa faveur (...)

Des traitements illégaux dissimulés (...)

Pour ce qui concerne Nestlé, ce sont 100% des marques qui sont concernées par l’utilisation de traitements interdits. (...)

Des eaux minérales contaminées

Et pour cause : les ressources aquifères exploitées par Nestlé sont régulièrement contaminées microbiologiquement, notamment par des bactéries de type Escherichia Coli. Des traces de polluants chimiques, comme des métabolites de pesticides, ont également été découvertes dans l’eau de Perrier. Les traitements non conformes mis en place n’ont donc pas eu seulement pour but de prévenir d’éventuelles contaminations de l’eau, mais bien de la “nettoyer” des contaminants. Comme indiqué dans le rapport de l’Igas, “ces pratiques sont clairement non conformes au code de la santé publique. Nestlé Waters a annoncé le déploiement d’un plan de retour à la normale, mais il n’est pas certain que la dégradation de la qualité de la ressource puisse être jugulée”. (...)

si l’entreprise a bel et bien, comme elle l’assure, retiré ses filtres à charbon actifs et ultraviolets de toutes ses usines, la question se pose de savoir si le risque sanitaire n’est pas plus grand aujourd’hui qu’hier ? En effet, selon les inspecteurs de l’Igas, si “globalement”, le “niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maitrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique”. Plus inquiétant, l’Igas explique que “les traitements mis en place” l’ayant été pour “pallier un défaut de qualité de la ressource, leur retrait est de nature à engendrer un risque sanitaire”.
Une justice à géométrie variable (...)

En octobre dernier, dans un mail dévoilé par le Canard enchainé, le directeur de l’ARS Occitanie écrivait à ses équipes qu’à cause des multiples problèmes de pollution aux polluants éternels et aux métabolites de pesticides constatés, l’eau du robinet ne devrait plus être consommée, et qu’il vaudrait mieux désormais privilégier… l’eau en bouteille. Nos informations montrent que certaines de ces eaux ne semblent pourtant plus très différentes aujourd’hui de celle qu’on boit au robinet. Excepté le prix.