« Cette ville vous appartient ! »
À New York, le style populiste vient-il de connaître une nouvelle itération ?
Ou la victoire de Zohran Mamdani inaugure-t-elle une formule radicalement nouvelle ?
Nous traduisons et commentons ligne à ligne son discours de victoire.
(...) Merci, mes amis. Le soleil s’est peut-être couché sur notre ville ce soir, mais comme l’a dit un jour Eugene Debs, « je vois poindre l’aube d’un jour meilleur pour l’humanité ».
Eugene Debs est l’une des figures les plus emblématiques du socialisme américain. Cinq fois candidat à l’élection présidentielle américaine entre 1900 et 1920, il devient président de l’American Railway Union en 1893 et crée le premier syndicat industriel d’Amérique en regroupant les travailleurs du rail.
Il devient célèbre dès l’année suivante pour sa participation à de grandes grèves, qui le conduiront à faire six mois de prison. En 1898 il mène la création du Parti socialiste américain.
(...)
Depuis aussi longtemps que nous nous souvenons, les travailleurs de New York se sont entendu dire par les personnes riches et bien connectées que le pouvoir ne leur appartenait pas.
Les doigts meurtris à force de soulever des cartons dans les entrepôts, les paumes calleuses à force de tenir le guidon des vélos de livraison, les jointures marquées par les brûlures de cuisine : ce ne sont pas des mains qui ont été autorisées à détenir le pouvoir. Et pourtant, au cours de ces 12 derniers mois, vous avez osé viser plus haut.
Ce soir, contre toute attente, nous l’avons atteint. L’avenir est entre nos mains. Mes amis, nous avons renversé une dynastie politique.
Je souhaite à Andrew Cuomo tout le meilleur dans sa vie privée. Mais que ce soir soit la dernière fois que je prononce son nom, alors que nous tournons la page d’une politique qui abandonne le plus grand nombre au profit d’une minorité. New York, ce soir, vous nous avez chargés d’une mission. Une mission pour un changement. Une mission pour une nouvelle forme de politique. Une mission pour une ville à la portée de tous. Et une mission pour un gouvernement qui tient exactement ces engagements.
Le 1er janvier, je prêterai serment en tant que maire de la ville de New York. Et c’est grâce à vous. Avant toute autre chose, je tiens donc à vous dire ceci : merci. Merci à la nouvelle génération de New-Yorkais qui refuse d’accepter que la promesse d’un avenir meilleur soit une relique du passé.
Vous avez montré que lorsque la politique s’adresse à vous sans condescendance, nous pouvons nous diriger vers une nouvelle ère de leadership. Nous nous battrons pour vous, car nous sommes vous.
Ou, comme on dit à Steinway, ana minkum wa alaikum.
« Et que la paix soit avec vous tous » en arabe. (...)
Merci à ceux qui sont si souvent oubliés par la politique de notre ville, qui ont fait leur ce mouvement. Je parle des propriétaires de bodegas yéménites et des abuelas mexicaines. Des chauffeurs de taxi sénégalais et des infirmières ouzbèkes. Des cuisiniers trinidadiens et des tantines éthiopiennes. Oui, des tantines. (...)
Debout devant vous, je pense aux paroles de Jawaharlal Nehru : « Il arrive un moment, rare dans l’histoire, où nous passons de l’ancien au nouveau, où une époque s’achève et où l’âme d’une nation, longtemps réprimée, trouve enfin sa voix. »
Ce soir, nous sommes passés de l’ancien au nouveau. Alors d’une voix claire et convaincue qui ne peut être mal interprétée, parlons de ce que cette nouvelle ère offrira, et à qui. (...)
Ici, nous croyons qu’il faut défendre ceux que nous aimons, que vous soyez un immigrant, un membre de la communauté transgenre, l’une des nombreuses femmes noires que Donald Trump a licenciées et privées d’un emploi fédéral, une mère célibataire qui attend toujours que le prix des produits alimentaires baisse, ou toute autre personne acculée, au pied du mur. Votre combat est aussi le nôtre.
Nous construirons une mairie qui se tiendra fermement aux côtés des New-Yorkais juifs et qui ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l’antisémitisme ; une mairie où plus d’un million de musulmans sauront qu’ils ont leur place, non seulement dans les cinq arrondissements de cette ville, mais aussi dans les couloirs du pouvoir.
New York ne sera plus une ville où l’on peut faire campagne sur l’islamophobie et remporter une élection. (...)