
Depuis la guerre Israël-Iran de juin 2025, la vie à Ras Karkar, village à l’ouest de Ramallah, en Cisjordanie, s’est encore repliée. Hatem Nofal, responsable de la commission d’urgence locale, décrit un quotidien rythmé par les checkpoints israéliens, l’expansion des colonies et l’isolement croissant de sa communauté.
La Cisjordanie compte aujourd’hui près de 900 obstacles à la circulation : checkpoints, blocs de béton, monticules de terre, et surtout des portails en acier installés à l’entrée des villages palestiniens. Selon l’OCHA, 205 de ces portails sont recensés en mai 2025, dont la majorité sont fermés ou contrôlés de façon intermittente par l’armée israélienne.
Cette politique de verrouillage du territoire s’est intensifiée depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, puis avec la guerre Israël-Iran, rendant la vie quotidienne des Palestiniens encore plus difficile. En août 2023, l’OCHA recensait 645 obstacles permanents en Cisjordanie, dont 118 portails.
En janvier 2025, 18 portails supplémentaires ont été érigés par l’armée israélienne pour bloquer les accès aux grandes routes depuis les villes palestiniennes, selon la Commission de résistance à la colonisation et au mur.
"Ici, à Ras Karkar, nous n’avons qu’une seule entrée et sortie"
Hatem Nofal, responsable de la commission d’urgence locale :
« Les portes sont fermées à clé. L’armée passe de la porte de Dar Ammar à celle de Kharbatha, puis ailleurs. Ce sont des rondes continues. Ici, à Ras Karkar, nous n’avons qu’une seule entrée et sortie, sans aucune route alternative. Cette route est très difficile et dangereuse : l’armée peut tirer, t’arrêter ou te laisser bloqué pendant des heures avec ta voiture. » (...)
Les villages palestiniens de Ras Karkar et Al-Janiya, qui comptent ensemble de 4 000 à 5 000 habitants, sont encerclés par sept à neuf colonies israéliennes, dont Talmon, Dolev, Nerya, Harsha, Kerem Reim et Zayit Raanan.
Le portail à l’entrée d’Al-Janiya est fermé depuis plus de 15 ans, car il est situé à moins de 100 mètres d’une colonie israélienne.
L’armée israélienne considère que cette proximité crée un risque de frictions avec les colons. Le seul accès pour les habitants d’Al-Janiya est par Ras Karkar, qui est lui-même très restreint. (...)
La pression coloniale réduit drastiquement l’espace constructible pour les Palestiniens. Sur 20 km², seulement 600 m² sont autorisés à la construction par les autorités israéliennes, explique Hatem Nofal.
Fin mai 2025, Israël a annoncé la légalisation de 22 nouveaux avant-postes en Cisjordanie. Parmi eux, au moins deux concernent directement la région de Ras Karkar : Harasha et Zayit Raanan, toutes deux situées à proximité immédiate du village.
Leur régularisation renforce l’étau autour de Ras Karkar et accentue les restrictions de mouvement.
"Nous avons quatre ambulances prêtes à être envoyées là où il y a un besoin"
Avec son groupe de bénévoles, Hatem Nofal se démène pour organiser l’acheminement la nourriture vers le village, ainsi que le transport des malades vers l’hôpital de Ramallah (...)
Accéder à Ramallah, un parcours du combattant
L’hôpital public le plus proche de Ras Karkar est à Ramallah, à 14 kilomètres. Pour s’y rendre, il faut se déplacer à pied sur 400 à 500 mètres entre plusieurs portails verrouillés, puis espérer trouver un véhicule, quand cela est possible.
« Avant, pour aller à l’hôpital de Ramallah, il fallait à peine 15 minutes. Maintenant, il faut marcher entre les portes, parfois sur 400 à 500 mètres, puis trouver une voiture. Le trajet prend au moins 45 minutes, parfois plus si l’armée bloque la route ou confisque les clés des voitures. »
Comme les véhicules ne peuvent pas passer ces portails, Nofal explique que les marchandises doivent être transférées de véhicule en véhicule ou portées à la main. Les habitants dépendent du bon vouloir des soldats pour laisser passer les biens essentiels. (...)
Le cas de Ras Karkar illustre la fragmentation de la Cisjordanie : près de 900 obstacles recensés, dont plus de 200 portails métalliques, et une expansion coloniale qui se poursuit malgré les condamnations internationales.