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Mediapart
On ne rit plus à France Inter après le licenciement de Guillaume Meurice
#FranceInter #repression #Meurice #libertedexpression #humour
Article mis en ligne le 17 juin 2024
dernière modification le 15 juin 2024

La direction de la radio publique a annoncé mardi avoir licencié l’humoriste, pour faute grave. La sentence a mis en émoi les équipes de la station qui ont fait part de leur indignation à leur directrice le lendemain, lors d’une réunion organisée à la Maison ronde.

En ce moment, les mauvaises nouvelles s’accumulent à France Inter. Après la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée dimanche soir, synonyme de mise à l’arrêt du projet de fusion des antennes de l’audiovisuel public, les salarié·es de la station croyaient pouvoir goûter à un court moment de répit. C’était compter sans leur direction et les projets mortifères du Rassemblement national.

Paradant sur RMC après la victoire éclatante de son parti aux européennes, le député RN Sébastien Chenu a évoqué une piste pour redresser les finances publiques si la formation d’extrême droite devait gouverner le pays dans les prochaines semaines. « La privatisation du service de l’audiovisuel public, c’est 3 milliards d’euros d’économies », a-t-il lancé. En clair, la disparition pure et simple des antennes de la radio de service public telles qu’on les connaît aujourd’hui.

Et comme si cette perspective ne suffisait pas, la direction de Radio France a annoncé, par mail aux salarié·es de la station, le licenciement de Guillaume Meurice pour « faute grave ».

Une décision qui n’a rien d’une surprise pour les salarié·es de la maison, tant elle paraissait inévitable depuis la suspension en mai dernier de l’humoriste et la convocation d’une commission de discipline pour statuer sur son cas. Pour autant, le licenciement de Guillaume Meurice n’en est pas moins perçu en interne comme un coup dur porté à l’esprit originel et au pluralisme de l’antenne. « Depuis lundi, on est tous groggy au bureau. On traverse un moment de flottement et d’incertitude qui peut déboucher sur le pire », commente un membre influent de la rédaction.

« On en rirait volontiers si l’histoire s’arrêtait à mon cas personnel. Mais le projet est global », a écrit Guillaume Meurice mercredi 12 juin dans une « lettre à France Inter », son ancienne radio, postée sur le réseau social X. « Les “libéraux” sont en train de livrer le pays clés en main à l’extrême droite, lui offrant, ce jour, une énième victoire idéologique », a-t-il poursuivi, alors que le RN se présentera en position de force aux législatives anticipées des dimanches 30 juin et 7 juillet. (...)

Une réunion pour apaiser les tensions

« Quelle sera la prochaine étape ? », interroge un communiqué conjoint de la Société des « producteurices » (SDPI) et de la Société des journalistes (SDJ) transmis en interne. « Notre inquiétude et notre incompréhension sont immenses au moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, et l’avenir de Radio France plus incertain que jamais, poursuivent-ils. Cette décision vient déstabiliser encore davantage des équipes déjà fortement ébranlées, et ne fait que préparer le terrain pour une forme d’autocensure impensable sur une chaîne de service public dont la mission est d’informer et de divertir dans un esprit d’indépendance jusqu’ici affiché et assumé. »

Dans l’espoir d’apaiser les tensions grandissantes, la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, a organisé mercredi 12 juin un temps d’échanges avec les équipes de la station. Initialement prévu à midi, il a été décalé à 14 heures en raison de la conférence de presse d’Emmanuel Macron, qui a mobilisé une bonne partie de la rédaction. (...)

Mais comment faire une émission d’humour hebdomadaire quand la moitié des humoristes et chroniqueurs ont annoncé leur départ ? Car depuis l’annonce du licenciement de Guillaume Meurice, c’est l’hécatombe. Les démissions s’enchaînent à la vitesse de l’éclair. (...)

Autre partantes, la chanteuse et humoriste GiedRé et la linguiste Laélia Véron, qui a indiqué sur X : « C’est fini #LeGrandDimancheSoir pour moi ! Soutien à Guillaume Meurice. Merci à lui et à toute l’équipe pour ces trois ans. » Déjà en mai, après la suspension du chroniqueur, elle avait pris la plume pour donner les raisons de son absence : « Je ne vois pas comment continuer à faire de la satire politique tout en acceptant que l’une des personnes de l’équipe qui l’incarnent soit suspendue pour une blague. » (...)

« La stratégie de Charline depuis le début, c’est de dire : “Ce n’est pas à moi de partir. Si vous ne voulez plus de la satire politique sur cette antenne, c’est à vous d’assumer le choix d’arrêter l’émission” », croit savoir un briscard de l’antenne. Reste à savoir si le grand divertissement politique de la radio publique survivra un an de plus à l’amputation d’un tiers de son budget et aux départs en cascade de ses têtes d’affiche.