
Après l’opération Wuambushu lancée il y a un an, « Place nette » prend le relais. Malgré des éléments de langage travaillés, les objectifs comme le mode opératoire restent les mêmes : détruire des bidonvilles, expulser massivement et mener des interventions « coup de poing ».
(...) « Pire que tout, il y a eu des opérations lancées par l’État pour créer des solutions alternatives à destination des habitants des bidonvilles, il y a même eu un concours, “Un toit pour tous en outre-mer”, lancé par le ministère du logement et le ministère des outre-mer. Des architectes, des maîtres d’ouvrage, des entreprises ont été désignés et ont mis au point des solutions mais il ne se passe rien. Rien n’a été concrétisé, ça bloque de partout, il n’y a aucune volonté politique d’avancer là-dessus », tempête celui qui observe dans le même temps « se densifier les bidonvilles qui ne sont pas encore menacés ».
« On ne vit pas comme ça par plaisir, c’est que nous n’avons pas d’autre solution », rappelle Zouriati qui évoque encore des « mensonges, des histoires quand ils disent qu’ils viennent détruire pour construire ensuite ». Même son de cloche pour l’architecte : « Même sur les premiers terrains détruits en 2021, il n’y a rien ! »
Le cruel manque de soutien et la violence des campagnes de haine à leur égard auront eu raison des rares défenseurs des droits humains qui œuvraient encore localement.
Reste que pour le gouvernement, il y avait urgence à agir dans le 101e département après un début d’année marqué par les barrages érigés par une partie de la population. Protestant initialement contre l’installation de réfugié·es et demandeurs d’asile venus d’Afrique continentale dans un stade de Mamoudzou, le mouvement des « barragistes » s’est étendu aux sujets de l’insécurité et de l’immigration et a trouvé là sa légitimité auprès du gouvernement. Lequel a répondu par la promesse de lois d’exception à l’instar de la suppression du droit du sol sur le territoire et d’un « Wuambushu 2 » propre à laver l’affront d’une première opération ratée.
Lors de l’opération lancée en avril 2023, l’Union des Comores alors en période électorale avait fermé ses frontières pour protester contre la volonté de la France d’expulser plus massivement encore les ressortissant·es comorien·nes vivant irrégulièrement à Mayotte. Un rendez-vous à l’Élysée aux termes très secrets entre les présidents Emmanuel Macron et Azali Assoumani avait permis de régler le différend mais les promesses d’expulsions record n’ont pu être tenues : 2023 sera restée dans la moyenne annuelle des 25 000 personnes reconduites. Autre coup porté aux ambitions de Wuambushu, une relative mobilisation juridique et associative au niveau national comme local était venue contrecarrer le rythme des destructions de bidonvilles. (...)
« ces gamins qui voient leur maison se faire détruire » ou « qui voient leurs grands frères qui n’obtiennent pas leurs papiers même s’ils sont nés ici ». « À votre avis, avec tout ça on déracine la délinquance comme une mauvaise herbe ou on sème ses graines dans une pépinière ? »