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Opposition médiatique mais connivences éditoriales : la « drôle de guerre » de France Télévisions avec l’extrême droite
#medias #FranceTelevisions #extremedroite
Article mis en ligne le 5 octobre 2025
dernière modification le 2 octobre 2025

Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions, estime désormais que CNews est une « chaîne d’extrême droite ». Pourtant, depuis plus d’un an, France TV s’aligne sur les obsessions des médias Bolloré. En interne, des journalistes dénoncent une « drôle de guerre » et un double discours entre flagornerie macronienne et saillies sécuritaires. Au fil du temps, oubliant l’investigation et l’indépendance d’esprit, le service public d’information auquel les Français ont droit coule, corps et âmes. Merci qui ? Merci Delphine.

(...) au fil des années une sorte de gentleman agreement avait été scellé entre le groupe du milliardaire réactionnaire Vincent Bolloré et France Télévisions. Selon nos confrères de Off Investigation, le groupe public achète chaque année près de 75 millions d’euros de programmes à la société de production Banijay, contrôlée par le groupe Bolloré. En échange, Delphine Ernotte pouvait bénéficier d’une relative tranquillité, l’extrême droite bollorisée n’ayant jamais mis une cible particulière dans son dos. (...)

ces derniers mois voire années, France Info n’a pas tellement brillé face aux chaine d’infos des milliardaires. On pense notamment aux réquisitoires délirants du journaliste Gilles Bornstein contre la député Rima Hassan mais aussi à la criminalisation permanente des mouvements sociaux et à la récurrence des discours pro-Macron dans l’émission Les Informés.

On pense aussi et surtout à la promotion du génocide à Gaza. Un « crash » survenu en février dernier lorsque Julien Benedetto, présentateur de l’émission L’Heure américaine avait débattu avec un professionnel du tourisme de l’opportunité de transformer la bande de Gaza en Riviera touristique. Faire du business sur un génocide ? « Journalistiquement, éthiquement, déontologiquement et humainement déplorable et totalement inexcusable », avait alors réagi la SDJ de France Télévisions. Depuis, comme si rien ne s’était passé, le présentateur Julien Benedetto a été promu joker du journal de 13 heures de France 2 et continue d’officier sur France Info.

Interrogée par SMS sur le recrutement de Nathan Devers et Paul Melun et sur la promotion du journaliste Julien Benedetto, la directrice de France Info Muriel Pleynet ne nous a pas répondu. Son bras droit Romain Messy n’a pas souhaité non plus répondre à nos demandes d’interview.

France Info n’est d’ailleurs pas la seule marque de l’audiovisuel public à avoir cédé aux sirènes des deux polémistes. Fin juillet, Nathan Devers s’est vu offrir une émission de débat sur France Culture tous les samedis matins, et un poste de chroniqueur régulier les mercredis et jeudis soir dans C ce soir, l’émission de débat politique animée par Karim Rissouli sur France 5. Paul Melun quant à lui a obtenu son rond de serviette chez Arte, dans 28 Minutes, où il retrouvera Romain Messy, rédacteur en chef de l’émission mais aussi directeur de la rédaction de France Info. (...)
Au côté du mercato estival chez CNEWS perçu comme un gage donné à l’extrême droite, le tout nouveau JT de France 2 présenté par Léa Salamé a aussi fait jaser dans les couloirs de France Télés.

Une édition a particulièrement hérissé le poil de la CGT France Télévisions. (...)

« Bloquons tout ! », un mouvement né sur les réseaux sociaux qui vise à refuser les vaches maigres austéritaires imposées par le gouvernement aux Français.

Au menu du JT de 20h de France 2 présenté par Léa Salamé ce soir-là ? Pas de reportages de terrain pour comprendre les ressorts de la colère populaire mais une journée de mobilisation abordée sous le prisme des « perturbations à venir ».

Un cadrage digne de BFM TV ou CNEWS qui ne date pas d’hier mais qui avec Léa Salamé prend un tour caricaturale : des commerçants « inquiets » et « débordés » qui se « barricadent » derrière des barrières en bois contre des « actes malveillants et des actions de sabotages ». Heureusement, enchaîne Léa Salamé, les policiers et gendarmes ont appris à « être plus efficaces depuis les gilets jaunes ».

Et pour le Grand Format de la soirée ? Une ville de Rennes gangrenée par le trafic de drogue et les règlements de comptes où les riverains n’osent plus sortir de chez eux. Pour clore le JT enfin, la bénédiction de l’évêque d’Ajaccio, le cardinal conservateur Bustillo. « Le 20h de France 2 en passe de gagner le concours du journal le plus réactionnaire ! (...) Pitoyable ! étrille la CGT dans un communiqué dès le lendemain. (...)

Pour qui et pourquoi travaille-t-on ? Quelle est la ligne éditoriale et la stratégie pour concurrencer les chaînes des milliardaires ? Quelle est au fond notre raison d’être en tant que service public de l’information ? Des questions qui reviennent souvent dans la bouche des reporters de France Télévisions que Blast a pu interroger. « On se demande ce qui fait au fond fait notre spécificité à nous sur le service public face aux chaînes privées » s’interroge Antoine Chuzeville, délégué SNJ-CGT France Télés.

Même diagnostic pour ce pilier du réseau régional de France 3 : « Les journalistes de CNews et de BFM TV savent très bien pour qui ils bossent et pourquoi ils le font. Nous, à France Télés, on est complètement perdu. Ces dernières années sur le Covid, l’Ukraine ou Gaza, quelle voix singulière et spécifique a-t-on défendu face aux chaînes privées ?! On a joué la même musique que BFM TV et CNEWS : Zelensky est un héros, le vaccin c’est fabuleux et Israël a le droit de se défendre nous lâche-t-il dépité Et après on s’étonne que les audiences ne soient pas au rendez-vous. C’est bien de critiquer CNEWS mais il faudrait peut-être déjà arrêter de servir la soupe. Ça fait plus de 20 ans que je suis dans la boite, aujourd’hui, j’ai honte de travailler pour un service public qui court après l’extrême droite et ses obsessions. » (...)

Le remplacement cet été au 20 heures d’Anne-Sophie Lapix - jugée trop impertinente par l’Elysée - par une Léa Salamé réputée beaucoup plus complaisante a achevé de saper la confiance des journalistes en leurs directions. (...)

Depuis 2017, Delphine Ernotte a appliqué avec zèle et sans broncher l’agenda d’Emmanuel Macron pour France Télés : les économies ont été réalisées, la holding promue. Delphine Ernotte n’a même pas demandé son reste quand Emmanuel Macron est venu lui couper la redevance en 2023. En parallèle au sein de la rédaction de France 2, la patronne de France Télés a nommé des journalistes amis intimes d’Emmanuel Macron comme Cyril Graziani à la tête du service politique ou la très Macron-compatible Nathalie Saint Cricq à la rédaction nationale. En bonne élève de la Macronie, c’est donc tout naturellement que le président a choisi de la renouveler pour un troisième mandat au printemps 2025.

Mais comme Delphine Ernotte n’insulte pas l’avenir, la patronne de France Télévisions multiplie aussi les œillades envers une extrême droite déjà au pouvoir à Beauvau et qui pourrait devenir un jour majoritaire dans le pays. (...)