
Le paysan Jérôme Laronze a été tué par un gendarme en 2017. Pour la première fois en 8 ans, une autorité officielle, la défenseure des droits, estime que ces tirs n’étaient pas « nécessaires » et contredit la version du gendarme.
Au volant de sa voiture, il tentait d’échapper aux forces de l’État. L’éleveur en rébellion contre l’administration s’estimait victime de contrôles abusifs, ce qui a été reconnu par la justice trois ans après sa mort. Les gendarmes estimaient eux avoir affaire à un personnage dangereux, bien loin du portrait qu’en font ses proches.
Pour la première fois, un document produit par une autorité administrative indépendante accrédite la version de la famille. Pour l’institution, le gendarme n’a pas tiré dans le respect du cadre déontologique, c’est-à-dire, comme il l’a toujours dit, pour se protéger alors que la voiture conduite par le paysan lui fonçait dessus. La décision de la défenseure des droits du 23 décembre 2024, rendue publique le 28 janvier, estime que « le gendarme ne se trouvait pas sur la trajectoire du véhicule ». Les tirs « n’étaient pas absolument nécessaires », « le danger n’était pas actuel et imminent » et « tirer à 5 reprises, en 7 secondes [...] apparaît disproportionné », souligne le document. Bref, pour elle, le gendarme n’a pas respecté le Code de la sécurité intérieure. Cette hypothèse avait été longuement détaillée dans un article de Reporterre publié en 2022.
Cette décision « fait énormément de bien »
« Je n’ai jamais douté que ce que l’on défendait était étayé, documenté, réagit auprès de Reporterre Marie-Pierre Laronze, sœur du paysan décédé. Mais on s’est quand même fait accuser de complotisme ! Alors lire cette décision, qui montre que Jérôme ne fonçait pas sur le gendarme, fait énormément de bien. » Elle estime également la décision « équilibrée », mettant hors de cause la deuxième gendarme présente au moment des tirs, qui déclare n’avoir tiré qu’une seule fois en direction des pneus. « Son tir, lui, était légitime », dit Mme Laronze. (...)
L’objet de sa décision est administratif, à savoir examiner s’il y a eu respect des « règles déontologiques professionnelles ». Estimant que cela n’a pas été le cas, elle a saisi le ministre de l’Intérieur en lui demandant d’engager « une procédure disciplinaire » à l’encontre du gendarme ayant tué Jérôme Laronze. S’il est mis en examen dans le cadre de l’instruction judiciaire depuis 2017, il a échappé jusqu’ici à toute procédure administrative, toute sanction hiérarchique. (...)
Enfin, la décision s’attarde sur « l’absence d’enquête de commandement ». Elle rappelle que tant la hiérarchie que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) ont pour rôle de « contrôler » l’action des gendarmes. Il en va de la « crédibilité » et de la « légitimité » du corps, insiste-t-elle. Au contraire, l’enquête de la défenseure des droits établit que ni l’un, ni l’autre, n’a tenté de mener une enquête administrative afin de savoir s’il y avait eu manquement au Code de déontologie et lieu de sanctionner des gendarmes. L’IGGN a estimé qu’une enquête judiciaire étant en cours, il n’y avait pas eu lieu de lancer une enquête administrative. « Sanctions disciplinaire et pénale sont indépendantes, donc, cumulables », répond la défenseure.
L’espoir d’un procès
Reste à savoir quelles répercussions aura cette décision. Le ministère de l’Intérieur a moins d’un mois pour répondre à la demande de la défenseure des droits et lancer une procédure disciplinaire. (...)
La famille de Jérôme Laronze, elle, y voit enfin un espoir de procès, alors que, les années passant, la crainte d’un non-lieu se fait plus précise. (...)