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Basta !
Pesticides dans l’eau du robinet : un coûteux casse-tête pour les élus locaux
#eau #pesticides #agriculture #pollution
Article mis en ligne le 1er octobre 2024
dernière modification le 24 septembre 2024

Usines de traitement, filtres spéciaux… rien n’y fait : les pesticides demeurent toujours trop présents dans l’eau potable. Dans le Grand Ouest, des élus locaux réfléchissent à de nouvelles stratégies pour supprimer ce polluant à la source.

1, 7 million d’euros : c’est la dépense publique annuelle nécessaire pour distribuer de l’eau potable débarrassée du « R 47 1811 », auprès des 490 000 habitants de communes rurales ou semi-rurales en Loire-Atlantique. Ce métabolite – terme qui désigne un produit issu de la dégradation d’un pesticide – a été découvert en 2023 dans les eaux des captages gérées par Atlantic’eau, le syndicat mixte de gestion de l’eau en Loire-atlantique. (...)

Ce produit au nom de robot provient du chlorothalonil, un pesticide utilisé depuis 1969 comme fongicide dans les champs de blé, seigle, orge, pommes de terre et tomates avant d’être interdit par l’Europe en 2019, car classé cancérogène possible. « Il est notamment associé à des tumeurs rénales sur les animaux de laboratoire qui y sont exposés », souligne le Collectif sans pesticide de Massérac, en Loire-Atlantique, très mobilisé autour de la qualité de l’eau. (...)

Des solutions coûteuses et parfois inefficaces

Ce n’est pas la première fois que le syndicat décide de dépenser des sommes conséquentes pour fournir de l’eau potable aussi peu chargée que possible en pesticides. (...)

En France, plusieurs dizaines de millions d’euros sont dépensés chaque année pour procéder aux mélanges des eaux dans les communes où l’abus de pesticides nuit gravement à la qualité de l’eau. Mais cette solution de « secours » n’est pas forcément sûre non plus, puisque de nombreuses molécules ne sont pas recherchées. Soit les agences régionales de santé (ARS) ne l’exigent pas, soit on ignore comment les chercher, soit personne ne sait ce qu’il faut chercher. (...)

« On a récemment récupéré la liste des pesticides utilisés sur l’aire de captage d’une commune où il y a beaucoup de maraîchage. Il y a 49 produits. Sur ces 49 produits, deux n’étaient pas dans le contrôle sanitaire imposé par l’ARS. Mais surtout, ces 49 pesticides se transforment en 400 métabolites connus ; et on est capables d’en rechercher moins d’une dizaine », se désole Mickaël Derangeon. Il arrive peut-être que les eaux mélangées soient encore plus chargées en pesticides que celles qu’elles sont censées diluer...

(...)

L’inefficacité des traitements est un problème récurrent que doivent affronter les élu·es et organismes en charge de la distribution de l’eau.

Au fur et à mesure que les molécules sont identifiées et qu’elles font l’objet de tentatives d’épuration, d’importantes impasses techniques apparaissent. (...)

L’impasse technique est totale. Aucune aide de l’État n’est prévue pour aider les communes à se sortir d’affaire alors même que les politiques agricoles et les autorisations de pesticides s’élaborent au niveau national. (...)

Cette situation est loin d’être isolée, et se retrouve bien au-delà de la Loire-Atlantique. Dans les Alpes, le village du Castellet vit sous perfusion d’eau en bouteille depuis plusieurs mois suite à la découverte de ce fameux DMS. Selon le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoire, sur la période, en quatre décennies (1980-2022), environ 13 000 captages d’eau potable ont été fermés. La première cause de fermeture incombe à la dégradation de la qualité de la ressource en eau (32,3 % des situations). Parmi ces situations, 40% sont attribuées à une pollution d’origine agricole, par des nitrates ou des pesticides.

Ces situations ubuesques, et fort onéreuses, convainquent les élu·es locaux qu’il faut arrêter d’utiliser des pesticides plutôt que de dépenser des millions d’euros par an pour essayer de les faire disparaître, sans aucune certitude d’y arriver.

Partout en France, des élu.es locaux proposent de « faire des aires d’alimentations de captages d’eau potable le premier lieu d’une transformation des activités agricoles vers des pratiques durables et sans utilisation de produits phytosanitaires ». En clair, convaincre les agriculteurs concernés de ne plus épandre de pesticides autour de ces points de captage.

En Loire-Atlantique, plusieurs millions d’euros ont été débloqués pour « dédommager » les agriculteurs qui accepteraient de se passer de pesticides sur ces périmètres. C’était sans compter l’opposition de la FNSEA, relayée par la préfecture, à cette nouvelle politique qui permettrait pourtant à chacun.e d’accéder à une eau dépolluée, et que Basta ! vous racontera dans l’épisode suivant.