
Reporterre et Générations futures publient les conclusions des prélèvements d’eau potable de plusieurs communes du Gard, proches de l’usine chimique Solvay, à Salindres. Un PFAS, le TFA, a été retrouvé en quantité significative dans 12 d’entre eux.
« On veut savoir. » C’est le leitmotiv de nombreux habitants du Gard, depuis le 6 février dernier. Ce jour-là, l’association Générations futures et plusieurs médias (Le Monde, France 3 et la RTBF) ont révélé que l’usine chimique Solvay, à Salindres, rejette dans l’eau de la rivière adjacente, l’Arias, des quantités très importantes de TFA. Trois lettres pour désigner l’acide trifluoroacétique, un membre de la famille des « polluants éternels », les PFAS. Reporterre démontre aujourd’hui qu’on en retrouve dans l’eau potable de nombreuses communes. (...)
Des collectifs citoyens, trouvant la réaction des pouvoirs publics trop timorée, se sont emparés du sujet, demandant des analyses. Générations futures a aussi poursuivi ses mesures. Reporterre publie aujourd’hui en exclusivité les résultats de prélèvements d’eau potable de treize autres communes.
Ils concernent 11 prélèvements effectués par Générations futures, ainsi que 2 obtenus par des collectifs citoyens. Cela fait treize nouvelles communes testées. À l’exception d’une, elles puisent toutes dans des nappes liées au Gardon. Pour toutes, du TFA a été trouvé dans l’eau potable en quantité significative, sauf pour celle ne puisant pas dans le Gardon.
Nous avons regroupé ces résultats sur une carte, ainsi que toutes les analyses connues de TFA dans le département. Le constat est clair : transporté par les eaux depuis l’usine, ce PFAS se retrouve tout du long des rivières contaminées, et dans l’eau potable des communes qui s’y approvisionnent. (...)
Au total, 31 cités touchées (...)
Au-dessus du seuil d’alerte
Jusqu’ici, les révélations sur la présence de TFA dans l’eau potable n’ont amené à aucune action des pouvoirs publics. Car il n’existe pas de limite réglementaire pour la quantité de TFA dans l’eau potable. Aucun de ces résultats n’est officiellement « hors norme ».
Ils sont pourtant pour une bonne partie d’entre eux supérieurs aux moyennes observées ailleurs. (...)
« il est extrêmement coûteux et techniquement difficile d’éliminer le TFA de l’eau », rappelle auprès de Reporterre Ian Cousins, chercheur à l’université de Stockholm, spécialiste des PFAS. Les taux de TFA ne vont donc faire qu’augmenter dans les années à venir, avec un risque grandissant que cela devienne problématique en matière de santé publique. « Nous ne pouvons pas nous permettre que cela se produise », nous écrit-il. Lui et ses collègues plaident pour une forte réduction des émissions de TFA dans l’environnement.
L’absence des pouvoirs publics
Malgré ce constat scientifique, et malgré nos relances, l’usine Solvay est restée sourde à nos relances. De même que l’Agence régionale de santé Occitanie (...)
L’ARS a-t-elle déjà effectué ces analyses ? A-t-elle des résultats ? Nous n’avons pas eu de réponse à nos questions. (...)
Solvay a brutalement annoncé fin septembre qu’elle allait arrêter définitivement l’usine d’ici octobre 2025, supprimant au passage 68 emplois. Le groupe pharmaceutique belge a indiqué que les nouvelles normes françaises et européennes sur les PFAS nécessiteraient « d’importants investissements qui ne seraient pas justifiés au regard de la performance du site de Salindres ces dernières années ». Mais même si Solvay s’en va, la pollution persistera. (...)
Dépités de l’absence de réaction des pouvoirs publics, certains citoyens se sont organisés. Le collectif Gardon l’eau saine, à Saint-Théodorit, a testé un système de filtration de l’eau potable à domicile, et constaté une forte baisse du taux de TFA dans l’eau du robinet. (...)