
La prestigieuse institution doit s’abstenir de toute communication susceptible de « porter atteinte à l’image ou à la notoriété » de la firme pétrolière. En échange d’un financement de sa chaire Avenir Commun Durable, qui organise son cycle de conférences sur la transition écologique et énergétique. Une chaire sur laquelle Total n’a aucune influence, affirme l’établissement public.
« Je savais qu’on allait me le reprocher et je m’en fous. » Combatif, les yeux froncés, François-Marie Bréon n’en démord pas. Ce climatologue de 60 ans, l’un des auteurs du cinquième rapport du GIEC, est l’actuel titulaire de la chaire annuelle Avenir Commun Durable du Collège de France. Depuis son pupitre du Quartier latin, il démontre que la variabilité des températures n’a rien de naturel, ou que la hausse de la fréquence des canicules est incontestable. (...)
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– (Reporterre)
Contre 2 millions d’euros, le Collège de France n’a plus le droit de « porter atteinte à l’image » de TotalEnergies
(...) la firme pétrolière aurait octroyé 2 millions d’euros pour l’animation, de 2021 à 2026, de la prestigieuse chaire Avenir Commun durable du Collège de France.
Chaque année y siège un scientifique illustre (en ce moment, le climatologue François-Marie Bréon, auteur du cinquième rapport du Giec ayant longuement travaillé au Commissariat à l’énergie atomique). L’ambition de cette chaire est de « croiser leurs expertises scientifiques, diffuser des données fiables pour contrer les fausses informations et alerter sur l’absolue nécessité d’agir » pour la transition écologique.
La « réputation d’indépendance » du Collège de France
La convention de 26 pages signée entre le Collège de France et TotalEnergies stipule que l’institution académique s’engage, en échange de cette donation, à s’abstenir de « toute communication directe ou indirecte, écrite ou orale, susceptible de porter atteinte à l’image et à la notoriété » de la multinationale. Plus loin, le document obtenu par la Revue XXI reconnaît pourtant que « la réussite, la richesse intellectuelle, l’impact et le rayonnement de l’initiative Avenir Commun Durable reposent sur la réputation d’indépendance […] du Collège de France ».
Contacté par Reporterre, l’établissement précise que la clause de non-dénigrement est présente dans toutes les conventions signées par le Collège de France, de mécénat comme de partenariat. Elle concerne « les déclarations publiques institutionnelles des parties, quel qu’en soit le canal » et non « les productions scientifiques du Collège de France ni les conférences qui y sont données, qui relèvent de la seule liberté académique et de recherche des intervenants ». En tant que mécène, TotalEnergies « s’engage simplement pour une cause et une idée générale », selon le Collège de France, qui assure qu’il n’a « aucun droit de regard ni préconisation sur l’utilisation des crédits. »
« Je peux dire tout le mal que je souhaite de Total »
Joint par Reporterre, François-Marie Bréon dit « ne pas avoir de problème » avec cette clause de non-dénigrement. « Personnellement, je peux dire tout le mal que je souhaite de Total », dit-il, avant de préciser « ne pas avoir l’intention de le faire, parce que je n’ai pas de raison de m’exprimer là-dessus ».
Le climatologue dit « ne pas avoir l’impression que la liberté du Collège de France soit entamée par ce contrat », étant donné que l’institution ne s’exprime de toute manière « jamais » pour porter des jugements sur les entreprises privées. (...)
Tout en précisant vouloir que les activités de TotalEnergies « évoluent », il dit refuser de les traiter « comme des parias ».
Une multinationale qui « assume » d’augmenter sa production d’hydrocarbures (...)