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Pour un « désarmement mondial synchronisé »
#guerreenukraine #desarmement #nucleaire
Article mis en ligne le 11 avril 2025
dernière modification le 8 avril 2025

À l’heure où tout s’emballe à l’Est, où des alliances aussi maléfiques que le duo Donald Trump et Vladimir Poutine se nouent, et où nos dirigeants prônent le réarmement, on a voulu prendre le temps d’y réfléchir. Avec Gilbert Achcar, spécialiste en relations internationales et prof à l’Université de Londres, on a parlé des moyens de soutenir l’Ukraine tout en rejetant une guerre généralisée.

L’invasion russe de l’Ukraine en 2022 avait initialement redonné vigueur à l’OTAN. Mais on peut aujourd’hui interpréter ce regain comme le chant du cygne d’une organisation déclinante depuis déjà une dizaine d’années. Cela souligne toutefois cruellement la dépendance vis-à-vis des États-Unis dans ce conflit. Et celle-ci concerne autant les Européens que les Ukrainiens.

Côté Russie, depuis trois ans, cet immense pays aux moyens militaires considérables hérités de l’Union soviétique – seul domaine où l’URSS rivalisait vraiment avec l’Occident – n’a toujours pas réussi à s’emparer de tous les territoires annexés en Ukraine. Ce n’est pas une défaite puisque les troupes russes continuent d’avancer à pas de tortue, mais ce n’est clairement pas une victoire.

« Il serait absurde d’envisager sérieusement une invasion russe de l’Europe »(...)

l’Union européenne (UE) dispose d’une population plus de trois fois plus nombreuse, d’une économie plus de dix fois supérieure et que ses dépenses militaires, en incluant le Royaume-Uni, sont trois fois plus importantes que celle de la Russie – cela malgré le fait que celle-ci soit directement engagée dans une guerre de grande envergure et donc au maximum de ses capacités, contrairement à l’Europe. Dans ces conditions, il serait absurde d’envisager sérieusement une invasion russe de l’Europe. »(...)

Enfin, le terme de “réarmement” est en lui-même problématique. Il suggère faussement que l’Europe serait désarmée, ce qui est loin d’être le cas : chaque pays consacre déjà en moyenne 2 % de son PIB à la défense – la Pologne et les pays baltes, bien davantage encore.

Une approche véritablement progressiste consisterait plutôt à œuvrer pour un désarmement mondial synchronisé, comme l’ont préconisé une cinquantaine de prix Nobel de sciences de la nature1, afin d’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique et la pauvreté. » (...)

L’escalade rhétorique et la course à l’armement augmentent les tensions et le risque d’incidents à telle ou telle frontière. Une erreur de trajectoire d’un missile ou une violation accidentelle d’un espace aérien pourrait vite dégénérer.

Mais, plus qu’une invasion, c’est la possibilité d’une confrontation nucléaire qui m’inquiète. Face à ses difficultés en Ukraine, Poutine a déjà menacé plusieurs fois d’utiliser son arsenal nucléaire. Il sait que son pays est la première puissance nucléaire du monde. En face, la puissance nucléaire européenne se résume aux arsenaux de la France et de la Grande-Bretagne. Pas de quoi rivaliser. Poutine pourrait utiliser des armes nucléaires tactiques (aux impacts plus limités), estimant qu’aucun de ses adversaires n’osera une riposte stratégique (capable de détruire des surfaces immenses). Dans le cadre de la dissuasion nucléaire, c’est surtout la Russie qui dissuade ! » (...)

Je pense qu’il faut dans un premier temps reconnaître la légitimité des Ukrainiens à défendre leur pays et les soutenir. Reconnaître et soutenir leur droit à s’armer. Ne pas s’opposer à la livraison d’armes défensives. Et j’insiste sur le terme “défensif” : il s’agit de toutes les armes “anti” – antimissiles, antichars, antiaériennes. Enfin, s’engager dans une pression internationale pour l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination des régions de l’Est ukrainien et de la Crimée.

J’ajoute qu’il serait temps d’arrêter d’ignorer l’éléphant au milieu de la pièce : la Chine. Celle-ci a très tôt manifesté son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Mais Washington a préféré ignorer cette main tendue et d’emblée accuser la Chine d’être de mèche avec la Russie. Aujourd’hui, les négociations sont menées en Arabie Saoudite entre la Russie, les États-Unis et l’Ukraine. Volodymyr Zelensky est isolé, soumis à des pressions qui le poussent à accepter des conditions de paix bien pires que celles que j’ai évoquées. Or la Chine, qui n’a pas intérêt à voir ce conflit se prolonger en tant que grand importateur d’hydrocarbures, pourrait être un allié de taille pour inciter les acteurs à revenir à la table des Nations unies. »