Les systèmes de domination se combinent et produisent des violences particulières qu’il faut identifier et combattre. Alors que la casse de notre modèle social et de nos services publics précarise les personnes handicapées, et en ces temps de montée de l’extrême droite, l’horizon doit être une lutte féministe antivalidiste et antifasciste.
Comment expliquer ce constat alarmant ?
Le validisme, à savoir le système de domination vécu par les personnes handicapées et faisant que leur vie est considérée avec moins de valeur que celle des personnes dites valides, a forcément un impact sur cette exposition aux violences sexistes et sexuelles, mais aussi et surtout sur le traitement social qui en est fait.
Cette définition est développée dans cet article de Charlotte Puiseux : Le validisme : qu’est-ce que c’est ?
Les personnes handicapées placées en institution sont victimes de violences médicales dès leur plus jeune âge, et ne seront pas crues s’iels parlent. Parfois stérilisées sans leur consentement, elles subissent des pratiques permettant aussi de couvrir un large continuum de violences sexuelles pouvant aller jusqu’au viol. Bien que ces violences n’aient pas lieu que dans les institutions spécialisées, celles-ci sont particulièrement propices à ce genre d’actes. Des scandales sont régulièrement dénoncés dans la presse, mettant pour quelques minutes la population face à des situations qu’elle préfère ignorer la plupart du temps.
Les personnes concernées ne reçoivent pas, ou peu, d’éducation à la sexualité, n’ont parfois même pas conscience de la notion de consentement et de leur capacité à dire non si certains actes tentent de leur être imposés. En revanche, la plupart de ces institutions pratiquent une interdiction de relation intime stipulée clairement dans les règlements intérieurs, éloignant les résidentes de tout épanouissement possible à ce niveau-là. À l’heure de l’intégration de la notion de « non consentement » dans la loi et de la réaffirmation du silence comme une absence d’accord à la relation sexuelle, il apparaît essentiel de repenser ces situations à la lumière du validisme.
L’éloignement général de la sphère de la sexualité des personnes handicapées organisé socialement permet également de créer un espace propice aux agressions, dans tous les domaines. (...)
On parle de violeur bienfaiteur quand des victimes de viol se voient rétorquer qu’elles ont eu de la chance qu’un individu s’intéresse à elles et les fasse entrer dans le champ du désirable, uniquement parce qu’elles sont handicapées comme l’explique Charlotte Puiseux dans son article Personnes handicapées sexisées et VSS. Ce discours innerve l’ensemble de la société aussi bien dans le monde familial, amical, ou même auprès de la police si certaines victimes décident de porter plainte.
Le contexte de violences sociales vulnérabilise d’autant plus (...)
C’est sans aucun complexe que certains discutent à l’assemblée de réduire l’accès aux droits d’ALD, de doubler les franchises médicales, de réduire le financement des MDPH,... toujours dans le but de préserver l’enrichissement exponentiel des ultra riches. Dans le même registre, le gouvernement s’apprête à exclure de l’AME des milliers de personnes.
"Actuellement, l’AME permet à une femme sans titre de séjour vivant avec un assuré social (Français ou étranger en situation régulière) de bénéficier d’une couverture santé quels que soient les revenus de son conjoint. Si les revenus du conjoint sont pris en compte dans le calcul de l’accès à l’AME, certaines femmes seraient exclues de ce dispositif vital, mais aussi inéligibles à l’Assurance Maladie ou à la Complémentaire Santé Solidaire, du fait de leur statut administratif.
Résultat : des milliers de femmes sans aucune couverture santé, totalement dépendantes du bon vouloir de leur conjoint pour subvenir à leurs besoins de santé. (...) Les femmes étrangères sont déjà surreprésentées parmi les victimes de violences conjugales du fait du cumul de précarités (économique, sociale, administrative) et de leur exposition à des violences spécifiques (chantage aux papiers, isolement, entrave aux démarches, etc.). (...)
La casse de notre modèle social et de nos services publics fait et fera beaucoup de victimes, à commencer par les plus précarisées dont font partie les personnes handicapées. Et les violences sur celleux-là n’en seront que plus facilitées.
En parallèle la loi eugéniste toujours au programme
En revanche, la loi validiste et eugéniste appelée « loi fin de vie » est encore en attente d’être remise au menu de l’assemblée nationale. Portée depuis très longtemps par des lobbys eugénistes, non pas pour améliorer des fins de vie, mais pour permettre la mort de celleux qui ne seraient plus assez dans les normes validistes afin que leur vies soient considérées comme dignes. Si cette loi a un tel engouement aujourd’hui, c’est parce que l’État veut faire des économies en nous aidant à mourir plutôt que de nous aider à vivre, mais c’est surtout parce que les idées validistes n’ont jamais été aussi fortes.
Les systèmes de domination se combinent et produisent des violences particulières qu’il faut identifier et combattre. (...)
D’après un rapport du Défenseur des droits, “Les personnes perçues comme non-blanches sont moins bien prises en charge aux urgences. Le ‘syndrome méditerranéen’, préjugé raciste - sans fondement médical- selon lequel les personnes d’origine nord africaine ou noire exagèrent leurs symptômes ou douleurs, a pour effet une minimisation des souffrances exprimées par les patients et/ou un refus de prise en charge, aux conséquences parfois fatales”(5)
Une personne handi queer, sera confrontée aux stigmatisations liées à l’hétéronormativité et au contrôle du corps genré de façon binaire, menant bien trop souvent aussi à des issues tragiques. Les personnes trans décédées qui ont été resencées pour le Trans Day of Remembrance sont mortes de suicide ou d’assassinat. (...)
En ces temps de montée de l’extrême droite, il est plus que vital de faire entendre ces vécus et de porter des revendications radicalement antifascistes.
Horizon : une lutte féministe antivalidiste
À la lumière de ce qu’est le validisme, il pourrait également être intéressant de s’interroger sur comment celui-ci impacte le ressenti des personnes handicapées par rapport à certains comportements qu’elles peuvent subir, parfois de façon très régulière. Ces comportements ne sont pas socialement considérés comme des violences sexistes ou sexuelles, mais ils pourraient pourtant l’être si les enjeux validistes étaient pris en compte. Par exemple, il est fréquent d’être intrusées, d’être touchées sans notre consentement, d’être interrogées en détail sur notre vie sexuelle. Il s’agirait alors de ne pas passer à côté de souffrances très profondes engageant un rapport au corps et à l’intimité spécifiques à la question du handicap et du validisme.
Est-ce qu’il est étonnant que les violences sexistes et sexuelles à l’encontre des personnes handicapées soient si peu évoquées dans les milieux militants, et dans la société en général ? (...)
Déconstruire le validisme est plus que jamais une nécessité pour comprendre comment il modifie nos perceptions, comment il nous fait penser que des violences sexistes et sexuelles seraient des violences sur certaines personnes et pas d’autres, comment il fait naître des violences spécifiquement chez les personnes qui le subissent. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne pourra se faire qu’en détruisant le validisme.