
Extraits choisis par Geneviève Azam à partir du livre d’Ariel Salleh, Pour une politique écoféministe. Comment réussir la révolution écologique, trad. July Robert, Marseille/Lorient, Wildproject/le passager clandestin, 2024.
Ariel Salleh, chercheuse et activiste australienne a ajouté ses travaux à la riche lignée de celles qui ont éclairé les origines de la dévalorisation conjointe des femmes et de la nature. Presque trente ans après sa publication originale en 1997, nous pouvons enfin lire en français son ouvrage sur l’écoféminisme politique. À partir d’un « matérialisme incarné », au nom d’une « démocratie terrestre » et pour un éco-socialisme repensé dans une perspective féministe et décoloniale, cet ouvrage incisif est une pierre de plus dans la déconstruction du système « productif-reproductif » capitaliste et patriarcal. Vingt cinq après cette réflexion, une déconstruction à poursuivre et discuter encore. (...)
Parce qu’il vise un écosocialisme à la fois féministe et décolonial, ancré dans un nouveau champ bio-épistémique, ce livre est inévitablement transdisciplinaire. Son continuum de niveaux analytiques suit le flux des énergies qui passent de l’incarnation inconsciente à la subjectivité consciente, jusqu’à l’action individuelle, la structure de classe, les institutions économiques et l’hégémonie culturelle ; et il reparcourt ce flux à travers le sédiment discursif de la construction sociale. (...)
Sortir de l’impasse dualiste
L’analyse politique écoféministe part du principe que la crise écologique est l’inéluctable conséquence d’une culture patriarcale capitaliste eurocentrée fondée sur la domination de la Nature et de la Femme « considérée comme nature ». Ou, pour inverser l’équation subliminale Homme/Femme=Nature, qu’elle est l’effet inéluctable d’une culture bâtie sur la domination des femmes et de la Nature « comme féminine ». Les féministes égalitaristes issues des traditions libérale et socialiste se méfient lorsqu’il s’agit de discuter du lien entre les femmes et la nature. Car c’est précisément ce truisme tendancieux qu’ont utilisé les hommes au fil des siècles pour maintenir les femmes à leur place, en les considérant comme « plus proches de la nature » (...) (...)