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Radio France : la Terre au Carrée sauvée, l’écologie toujours menacée
#radioFrance
Article mis en ligne le 20 mai 2024
dernière modification le 19 mai 2024

L’émission écolo phare de France Inter, « La Terre au Carré », préserve son avenir après avoir été menacée. Mais plusieurs autres programmes environnementaux du service public n’ont pas cette chance.

Rétropédalage à France Inter. Après avoir annoncé la disparition de l’émission « La Terre au Carré » sous sa forme actuelle le 6 mai dernier, la direction a fini par céder. La journaliste Camille Crosnier va récupérer sa chronique. Le répondeur, où les auditrices et auditeurs pouvaient laisser des messages, sera également préservé. En revanche, la plupart des reportages vont disparaître. Un compromis qui soulage les équipes mais en dit long sur les attaques contre l’information écologique dans les médias du service public.

Ces annonces avaient déclenché une vague d’indignation, à la fois des salariés, du public, mais aussi d’autres journalistes. Car elles s’inscrivent dans un climat plus global délétère, avec la suspension de l’humoriste Guillaume Meurice, suspension que l’observatoire des médias Acrimed qualifie de « purge politique ».

« Le soutien massif que nous avons reçu n’y est sans doute pas pour rien. Cela nous a beaucoup touchés et surpris. Même la médiatrice de Radio France a reçu beaucoup de messages », dit à Reporterre le journaliste Mathieu Vidard, coproducteur de « La Terre au Carré ». (...)

Lors des discussions pour élaborer la grille de programmes de la rentrée, la direction avait demandé à l’équipe de faire de l’écologie plus « narrative ». « La direction avait demandé à l’équipe de réfléchir à une autre formule pour faire évoluer l’émission. Nous étions d’accord mais en gardant tous les ingrédients qui ont fait l’identité de « La Terre au Carré ». Au sein de la radio, je sentais que nous étions parfois perçus comme une émission engagée et, dans la bouche de certains, ce n’est pas flatteur », dit Mathieu Vidard.

Dans les couloirs de la Maison de la radio, certains sujets avaient froissé des susceptibilités, notamment celui sur la dissolution des Soulèvements de la terre. (...)

Dans l’article d’Acrimed, un journaliste explique que l’émission était devenue le bouc-émissaire des réseaux sociaux d’extrême-droite, notamment du compte medias_citoyens, qui l’accusait d’être trop militante. (...)

L’excuse officielle : être moins anxiogène (...)

« Est-ce qu’on demande aux reporters de guerre de ne pas être anxiogènes ? Je ne crois pas. Dès lors, il est curieux d’exiger cela des journalistes qui traitent des questions écologiques », dit Esther Meunier, ancienne rédactrice en chef de Nowu, un média de France télévisions sur l’environnement dédié aux moins de 25 ans. Il a été fermé en décembre dernier, faisant les frais d’un arbitrage budgétaire privilégiant la couverture des Jeux olympiques au détriment des sujets environnementaux.

Nowu faisait pourtant du journalisme de solution la colonne vertébrale de son travail, et ce afin de lutter contre l’éco-anxiété. « Cela ne nous a pas empêché de sauter », soupire Esther Meunier. (...)

D’autres émissions écolo toujours condamnées

Si « La Terre au Carré » a réussi à sauver les meubles, ce n’est pas le cas de l’émission « C’est bientôt demain » produite par d’Antoine Chao, qui parlait des luttes écologiques dans toute la France. Toujours à Radio France, l’émission « Planète bleu » de France Bleu, à laquelle Reporterre participait, n’a pas été reconduite. Son présentateur Benoît Prospero négocie actuellement avec la direction pour préserver une tranche horaire sur l’écologie.

France 5 arrête également « Vert de rage » qui enquêtait sur les scandales environnementaux. (...)

toutes ces suppressions ne peuvent pas être des coïncidences. « Cela m’inquiète de me dire que les voix qui montrent les interactions entre la science et la politique sont celles qui passent à la trappe », estime Esther Meunier, ancienne de Nowu.

« C’est une politique éditoriale délibérée », estime Anne-Sophie Novel, journaliste et formatrice des rédactions sur les enjeux écologiques. (...)

Et les engagements environnementaux du service public ?

Ce tournant anti écolo est d’autant plus étonnant que les médias du service public avaient pris des engagements. Le 30 août 2022, Radio France annonçait en grand pompe un « tournant environnemental », promettant notamment de faire « de la crise climatique un axe éditorial majeur. Il se déclinera dans nos programmes et nos tranches d’information, au quotidien et dans des spéciales ». En novembre 2022, France télévisions avait aussi juré de « s’engager face à l’urgence climatique et à la crise énergétique ».

Mais les faits viennent contredire ces belles promesses. (...)

« On constate que les engagements des grands médias ne sont pas suivis d’indicateurs d’évaluation. Ils sont volontaires, ce qui permet de revenir dessus dès qu’ils ne font plus partie des priorités de la direction », constate Eva Morel, la cofondatrice de Quota Climat. Cette association comptabilise le temps dédié à l’information écologique dans les médias généralistes. (...)

« C’est regrettable de voir cela à un moment où la science est malmenée dans l’opinion. Alors même que le service public devrait être en pointe sur ces sujets », dit Mathieu Vidard. Mais pour la rentrée, le journaliste assure ne ressentir aucune pression et compte bien poursuivre son travail d’information sur l’écologie, tout en faisant évoluer l’émission. (...)