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Club de Mediapart/Nicolas Haeringer
Ré-apprendre à faire front
#electionslegislatives #NFP #societecivile
Article mis en ligne le 23 juillet 2024
dernière modification le 22 juillet 2024

Dans mon billet précédent, j’insistais sur le fait que le nouveau Front populaire « nous appartient » - un nous qui englobe toutes celles et ceux qui ont fait campagne et qui, pour une large part, ne sont encarté·es nulle part. Je suggérais donc que les négociations soient animées et coordonnées par des représentant·es de la société civile, qui de fait, ont l’expérience de larges coalitions composées d’actrices et d’acteurs très différent·es.

Je voudrais ici prolonger cette réflexion : nous avons actuellement l’impression d’être dépossédé·es du NFP, repris en main par les partis politiques et tout leur corollaire : les logiques d’appareil comme celles de carrière ; les désaccords montés en épingle et portés sur la place publique ; les règlements de compte ; etc. Bref : une logique et un univers totalement étranger à l’expérience collective de cette courte campagne électorale.

Pendant trois semaines, le nouveau Front populaire apparaissait comme étant plus que la somme de ses parties (ou, en l’occurence, partis) ; il semble aujourd’hui n’en être guère plus que la juxtaposition stérile.

Je ne pense pas que nous puissions faire grand chose contre ces dynamiques délétères, typiques de la sphère politique. Nous pouvons en revanche tenter de lutter contre la dépossession dont nous sommes victimes, depuis la société civile. Il me semble nécessaire pour cela de revenir sur la question de l’intensité, puis de réfléchir à celle de la redevabilité (l’obligation de rendre des comptes). (...)

Dépossession

Le succès électoral du nouveau Front populaire s’est en effet construit grâce à une dynamique de campagne aussi remarquable que très spécifique. Il n’est, de ce point de vue, guère surprenant que l’union soit bien plus complexe dès lors que nous sommes entré·es dans une dynamique différente, d’exercice du pouvoir (ou d’aspiration à l’exercice du pouvoir).
Reconnaître les différences entre ces deux phases est essentiel, pour trouver des manières de dépasser les difficultés actuelles.

Partout en France, nous avons collectivement fait vivre une dynamique remarquable, pendant les trois semaines de campagne : des socialistes, des communistes, des écolos, des insoumis, mais aussi des antifas, des anars, des lassé·es de la politique, des nouvelles et nouveaux venu·es qui ne sont encarté·es nulle part, des habitant·es de quartier populaires qui se tenaient jusqu’alors à l’écart des élections. Nous avons fait campagne ensemble, par-delà nos désaccords, nos cultures politiques différentes, etc.
La mobilisation est même allée bien au-delà de celles et ceux qui ont fait campagne activement. Des dizaines de milliers de citoyen·nes ont permis à la politique de faire irruption dans le quotidien. (...)

un moment rare, qui nous appartient collectivement et dont nous avons aujourd’hui le sentiment d’être dépossédé·es.

Nous sommes pourtant le nouveau Front populaire, tout autant que Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier, Fabien Roussel, ou Olivier Faure ; que Sophia Chikirou ou Clémentine Autain ; que Manuel Bompard ou Alexis Corbière ; que François Ruffin ou François Hollande ; que Raphaël Arnault ou Raphaël Glucksman ; qu’André Chassaigne ou Cyrielle Châtelain.

Nous le sommes tout autant qu’elles et eux, mais nous ne sommes plus directement partie prenante. La séquence qui s’est ouverte au lendemain des élections est donc douloureuse, tant nous avons l’impression d’être dépossédés de ce « commun » politique, auquel nous avons donné vie ensemble.

Bien sûr, ce basculement est largement lié au fait que nous nous sommes mobilisé·es, pour la plupart, là où nous vivons - dans notre circonscription, dans notre quartier, dans notre village, etc. Avec la fin de la campagne, la politique se recentralise et se concentre très largement à Paris, dans des cénacles qui nous sont inaccessibles. Mais ce n’est pas la seule raison.

Du reste, nous serions bien en peine de tomber d’accord pour dire qui est principalement responsable de la situation : pour certain·es, c’est le PS qui est en cause, à vouloir gouverner trop au centre ; pour d’autres le jusqu’au-boutisme de la France Insoumise. Ailleurs, on vilipendera volontiers l’attitude des frondeurs ex-Insoumis ; les arrières pensées des communistes ; l’attentisme des Verts. Tantôt, on n’hésitera pas à rejeter les partis dans leur ensemble & à se dire qu’au fond, ils et elles sont tou·tes pourri·es.

Tou·tes, nous sommes d’accord sur un point : le NFP est en train de nous échapper. « Paris » reprend le contrôle, avec ses logiques d’appareil, ses négociations secrètes, ses guerres d’égo.

Tout cela est vrai, mais si nous voulons continuer à peser depuis la société civile, nous devons aussi admettre qu’il y a d’autres facteurs en jeu, à au moins deux niveaux - intensité et redevabilité. (...)