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En novembre, à la suite des révélations de Disclose sur l’utilisation par la police du logiciel de reconnaissance faciale Briefcam, Gérald Darmanin annonçait le lancement d’une enquête indépendante dont les conclusions devaient être rendues « sous trois mois ». Alors que le ministère de l’intérieur refuse de communiquer sur le sujet, un rapport confidentiel démontre que la fonction reconnaissance faciale est « activée par défaut » depuis 2018.
Que fait la police ? Près de cinq mois après les révélations de Disclose sur l’utilisation, en secret, du logiciel de reconnaissance faciale Briefcam par la police nationale, le ministère de l’intérieur n’a toujours pas communiqué la moindre information sur le cadre exact de cet usage. Ni même sur les raisons de l’acquisition de ce logiciel dès 2015, et hors de tout cadre légal. (...)
La promesse du ministre a fait long feu : le délai annoncé est largement dépassé et l’enquête est restée confidentielle. (...)
Aucun contrôle
En novembre dernier, des documents et des échanges internes au ministère de l’intérieur obtenus par Disclose ont révélé que plusieurs services de police utilisent depuis des années un logiciel conçu par la société israélienne Briefcam, sans que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’en ait jamais été informée, comme le veut la loi. (...)
Pour en savoir davantage, il faut se rapporter à une récente audition au Sénat de Marie-Laure Denis, la présidente de la CNIL. Interrogée sur nos révélations le 17 janvier dernier, elle dit avoir « adressé un questionnaire extrêmement fourni au ministère de l’intérieur », espérant « obtenir des réponses d’ici à la fin du mois de février prochain » avant d’envisager d’éventuels « contrôles sur place ». Contactée pour savoir si les réponses lui étaient parvenues, la CNIL n’a pas souhaité faire de commentaires (...)
Deauville et Trouville (Calvados), avait été sommée d’effacer les données personnelles acquises avec Briefcam, à la suite du recours en référé de plusieurs associations (Ligue des droits de l’homme, Syndicat de la magistrature…), en réaction à notre enquête. Le Conseil d’État a depuis annulé la décision du tribunal administratif, estimant « qu’aucune fonctionnalité de reconnaissance faciale n’a été activée » au moment de l’audit. Sans pour autant rassurer sur l’usage de Briefcam au sein de la collectivité. (...)
Si l’option reconnaissance faciale a bien été désactivée manuellement, l’expert informatique ne précise pas à quelle date — la veille du contrôle ou il y a plusieurs années ? Autre élément troublant : le logiciel Briefcam enregistre et archive dans une base de données un « journal d’événements ». Et ce, pendant 365 jours (...)
Le gouvernement veut légaliser la reconnaissance faciale
Qu’en est-il des licences acquises par la police nationale et la gendarmerie sur l’ensemble du territoire ? La question est d’autant plus importante que les forces de l’ordre peuvent piocher dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qui contenait plus de 8 millions de photographies de visages en 2018. (...)
« Le sentiment d’impunité du ministère de l’intérieur est total », s’insurge le député La France insoumise, Hadrien Clouet. C’est en lisant l’enquête de Disclose que l’élu de Haute-Garonne a appris que les services de police de son département étaient équipés du logiciel de surveillance Briefcam depuis sept ans. Avec plusieurs de ses collègues, il a adressé un courrier, le 20 novembre, à la direction départementale de la sécurité publique afin d’obtenir des précisions sur cette acquisition. Un mois plus tard, ils recevaient une réponse laconique de la DDSP de Haute-Garonne : « Votre courrier (…) a fait l’objet d’une transmission à la Direction générale de la police nationale. » Et depuis, plus rien. (...)
Le silence règne jusqu’au plus haut sommet de l’État. En décembre dernier, au moment où était discuté un texte européen sur l’intelligence artificielle, 45 eurodéputé·es ont écrit au président de la République, Emmanuel Macron, sans obtenir de réponse. (...)
Les auteur·ices du courrier rappelaient à cette occasion que le gouvernement français réclamait « avec insistance une exemption des forces de l’ordre de l’interdiction de l’identification biométrique à distance » dans le cadre des négociations sur le texte.
Finalement, alors que l’ambition initiale était d’interdire la reconnaissance faciale dans l’espace public, l’IA Act, voté par le Parlement européen le 13 mars 2024, contient de nombreuses exceptions : l’analyse automatisée des visages pourra notamment être utilisée en temps réel — après autorisation judiciaire ou administrative — dans le cas de coups et blessures, d’homicides, de trafic de drogue ou en prévention d’une attaque terroriste. En tête des pays ayant poussé pour obtenir ces exceptions : la France.