
A partir de cette date, une audition ne pourra pas se dérouler sans la présence d’un avocat. La personne en garde à vue aura aussi la possibilité de prévenir une personne de son choix. Des nouvelles dispositions qui s’appliquent en conformité avec le droit européen.
Au grand dam des forces de l’ordre, les règles vont donc changer à un peu plus de trois semaines de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Franceinfo revient sur cette réforme et ses enjeux en quatre questions.
1 Que change cette réforme ?
Depuis 2011, toute personne pouvait demander, dès son placement en garde à vue, l’assistance d’un avocat ou d’une avocate, autorisé à assister à toutes les auditions, au lieu d’un entretien de 30 minutes auparavant. Désormais, avec la nouvelle loi, qui date du 22 avril, la présence de l’avocat est obligatoire : dans le cas contraire, l’audition ne peut pas commencer. Si l’avocat désigné ne peut pas se présenter "dans un délai de deux heures", ou si la personne n’a pas de conseil, un avocat commis d’office doit obligatoirement être désigné. (...)
Autre changement : la possibilité pour la personne en garde à vue de prévenir "toute personne qu’elle désigne". Jusqu’ici, elle avait la possibilité de prévenir son employeur et un proche, autrement dit la personne avec laquelle elle vit, ses parents, grands-parents, enfants, frère ou sœur. Le tiers prévenu peut demander un examen médical pour le gardé à vue qui ne l’aurait pas fait.
2 Pourquoi la France doit-elle appliquer cette réforme ?
Ces nouvelles mesures seront appliquées à partir du 1er juillet, soit un peu plus de trois semaines avant la cérémonie d’ouverture des JO. Mais ce n’est pas une réforme en lien avec l’événement. Néanmoins, le calendrier provoque des contestations, en particulier chez les membres des forces de l’ordre, car la réforme est mise en place au moment où un surcroît d’activité est attendu, au regard de l’affluence prévue pendant les Jeux de Paris.
Néanmoins, la France n’a pas d’autre choix que de l’appliquer : elle doit se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. De fait, la directive européenne qui introduit l’obligation d’être assisté par un avocat dès le début d’une garde à vue et pendant toute sa durée date du 22 octobre 2013. Mais la France ne l’a pas traduite en droit national. Par conséquent, la Commission européenne a mis en demeure en 2016, puis en 2021, l’Etat français de se mettre en conformité. Avant de hausser le ton et de lui adresser un avis motivé, "pour transposition incorrecte de la directive", le 28 septembre 2023. A partir de ce moment-là, la France avait deux mois "pour prendre les mesures nécessaires pour remédier aux manquements"
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3 Pourquoi des policiers y sont-ils opposés ?
Plusieurs syndicats de policiers montent au créneau contre ces nouvelles dispositions. Porte-parole d’Alliance, Eric Henry déplore, auprès de franceinfo, une réforme qui "continue de déséquilibrer les droits des mis en cause et des enquêteurs". "Etre obligé d’attendre la venue de l’avocat si le gardé à vue le demande, sans possibilité pour l’enquêteur de procéder à une audition ou autre acte, est très dommageable pour l’efficacité de l’enquête", pointe-t-il. Quant à la possibilité de prévenir un ami ou un collègue de sa garde à vue, elle représente, selon lui, "l’accentuation du risque de collusion et de dépérissement des preuves". (...)
4 Comment les syndicats de magistrats et d’avocats réagissent-ils ?
De leur côté, les représentants des magistrats et d’avocats saluent une avancée, même si elle a mis du temps à arriver. "Il n’y a pas de raison que la France ne soit pas alignée sur les standards européens de la garde à vue, afin de garantir les droits de la défense", relève la présidente du Syndicat de la magistrature (SM), contactée par franceinfo. Kim Reuflet défend une "position d’équilibre" : "Les déclarations en présence d’un avocat permettent de mieux protéger les personnes des pressions, notamment pour celles qui n’ont jamais vécu de garde à vue." "Et puis, ça rend les déclarations recueillies plus solides, ce qui représente un intérêt pour la procédure", estime-t-elle.
La présidente du SM juge aussi légitimes les protestations des enquêteurs au sujet de la mise en œuvre et du timing de la réforme. "Il y a un défaut d’anticipation, alors qu’on savait depuis des années que cette directive devait être transposée", souligne-t-elle. (...)
"Notre présence ne fait pas obstacle à la manifestation de la vérité et ne bloque pas l’enquête", assure à franceinfo Thomas Fourrey, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). (...)