
Au festival Les Résistantes, de nombreuses pistes ont été avancées pour contrer l’extrême droite, notamment l’union entre écologistes et antifascistes. Une idée encore loin d’être évidente pour les collectifs.
Il n’y a pas de solution miracle et personne n’a la formule magique. » Dans les derniers rayons du soleil couchant qui caressent les champs, Sylvine Bouffaron, membre d’Action Justice Climat Lyon (ex-Alternatiba), résume parfaitement le ressenti général des participantes et participants au festival Les Résistantes, du 7 au 10 août dans l’Orne, face à la montée de l’extrême droite. Pas moins d’une quinzaine de conférences, débats et ateliers ont été consacrés au sujet. « On a voulu mettre à l’honneur celles et ceux qui y réfléchissent pour prendre en compte cet enjeu dans nos luttes », explique Victor Vauquois, membre de Terres de luttes, l’une des associations organisatrices de l’événement.
Sous les chapiteaux colorés, baptisés de noms de personnalités phares des mouvements écologistes, sociaux et antiracistes, Reporterre est donc parti à la recherche de nouvelles idées pour lutter contre la montée du fascisme. (...)
Les idées nauséabondes progressent partout. Certains peuvent être dupés par un discours reprenant des thématiques chères aux écologistes, notamment le localisme.
Par exemple, le groupuscule Lyon Populaire, dissous en juin, avait lancé une campagne défendant la ruralité et les circuits courts. Kimia, ancienne militante du collectif antifasciste lyonnais La Jeune garde, estime que certains militants peu attentifs pourraient tomber dans le panneau. (...)
La naïveté n’est pas l’unique responsable. Sylvine Bouffaron l’a constaté dès 2016. À l’époque, elle était membre d’Alternatiba, qui s’était engagé auprès du Comité Vérité et Justice pour Adama, qui réclame la vérité sur la mort d’Adama Traoré, mort à 24 ans le 19 juillet 2016 à la suite de son interpellation par les gendarmes. « Certains [membres d’Alternatiba] nous ont dit qu’on desservait la cause et ont quitté l’organisation. J’ai alors réalisé que je ne défendais pas le même projet politique qu’eux, raconte la militante. Notre position est coûteuse, à plein de moments nous sommes en minorité. »
Malgré tout, elle remarque que les mentalités changent. « Il y a une plus grande prise en compte de ces enjeux-là dans nos luttes et organisations. En même temps, personne n’avait vraiment le choix après les résultats des dernières législatives. »
Le choc électoral de l’été dernier a servi de catalyseur. Le Village de l’eau, rassemblement organisé quelques jours plus tard dans les Deux-Sèvres contre les mégabassines, a d’ailleurs marqué un tournant antifasciste pour beaucoup de collectifs, à commencer par Les Soulèvements de la Terre. Avec plusieurs autres organisations, ils ont lancé la campagne « Désarmer Bolloré », visant ce milliardaire considéré pour beaucoup comme l’un des responsables de la « fascisation » du pays.
Des alliances nécessaires
Certains pensent qu’il faudrait aller encore plus loin, en liant plus étroitement les milieux écologistes et antifascistes (...)
Cette alliance existe déjà à Lyon. Depuis 2021, Action Justice Climat participe à la coalition Fermons les locaux fascistes aux côtés de partis politiques, militants anarchistes, syndicats et associations. Une alliance hétéroclite et puissante qui a permis de remporter une première victoire. En juin 2024, le ministère de l’Intérieur a ordonné la fermeture du club de box identitaire L’Agogé et le bar « enraciné, communautaire et patriote » La Traboule. Une décision confirmée par le Conseil d’État le 31 juillet.
« Les gens sortaient du bar à 3 heures du matin pour agresser des personnes racisées ou des militants dans la rue. Ce n’étaient pas juste des humiliations, c’étaient des blessures très graves », se souvient Tatiana, membre d’Action Justice Climat et de Fermons les locaux fascistes.
Depuis la fermeture de ces deux lieux, le nombre d’attaques aurait drastiquement baissé. « Avant, on comptait entre 5 et 10 agressions par mois. Depuis que ces locaux ont été fermés, on est tombé à deux », estime la jeune femme.
Une formation indispensable
Pour remporter cette victoire, tous les membres ont dû apprendre à travailler ensemble et mettre de côté leurs différends afin de se concentrer sur un objectif commun. Le tout, grâce à des formations (...)
La formation, c’est aussi le fer de lance de l’organisation Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (Visa). (...)
Lancée en 1996, l’association rassemble aujourd’hui 300 organisations syndicales dans toute la France. Elle compte bien s’appuyer sur ces représentants du personnel afin d’endiguer la montée du fascisme dans le monde du travail. « Des études prouvent que lorsqu’un syndicaliste est présent dans une entreprise, le vote pour le Rassemblement national diminue », assure Julien. (...)