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Révélations sur les contaminations de la plus grande mine à ciel ouvert de l’Hexagone
#mines #eau #pollution #Bretagne #Imerys
Article mis en ligne le 23 novembre 2024
dernière modification le 22 novembre 2024

« La pollution de l’eau par la mine ? Il n’y a pas de problème. » Face au discours sur les « mines propres », Splann ! révèle les pollutions générées par la mine d’andalousite de Glomel, au cœur de la Bretagne, exploitée par la multinationale Imerys.

En Centre Bretagne, la commune de Glomel, étendue sur près de 80 km2, est un véritable château d’eau. Ses sources, ses ruisseaux et ses marais dominent les bassins versants de l’Ellé et du Blavet. On y trouve encore certains habitats naturels emblématiques de la région, landes, tourbières et autres prairies humides. C’est pour protéger cette richesse qu’ont été créés la réserve naturelle régionale des landes et marais de Glomel, ainsi que deux sites Natura 2000 et plusieurs zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique.

Le paradoxe est que Glomel abrite aussi la plus grande mine à ciel ouvert en activité de l’hexagone : sur place, la multinationale Imerys peut extraire chaque année jusqu’à 1,5 million de tonnes de roches et raffine dans ses deux usines un quart de la production mondiale d’andalousite. (...)

Mais si l’andalousite est couramment utilisée par la grande industrie pour ses propriétés réfractaires, nous n’avons jamais directement affaire à elle.
D’immenses cratères au cœur de la Bretagne

Le site de Glomel est resté d’autant plus discret qu’il n’est, aux yeux de l’administration, qu’une carrière : on imagine un modeste carreau au bord d’une route déserte, quelques camions. Sauf que…

Sauf qu’il s’agit bel et bien d’une mine avec ses immenses cratères, ses usines, ses bassins de décantation remplis d’eau acide et ses montagnes de déchets qui avancent dans le paysage, avalant les champs, les fermes et les chemins. (...)

l’État vient de l’autoriser à poursuivre l’exploitation jusqu’en 2044 en creusant une quatrième fosse d’extraction : un trou grand comme quinze terrains de football et aussi profond que cinq immeubles parisiens empilés. (...)

Une étude partiale payée par l’industriel (...)

« Les quantités de contaminants présentent manifestement un danger »

En juillet puis en septembre, Splann ! a prélevé plusieurs jeux d’échantillons de sédiments dans le lit du ruisseau d’abord en amont du point de rejet de la mine, pour disposer d’un échantillon « témoin » ; puis dans un deuxième temps au niveau où Imerys rejette ses eaux usées ; et finalement à 2 km de là en aval dans le même cours d’eau, dans la réserve naturelle régionale.

Ces sédiments ont été analysés par un laboratoire accrédité Cofrac. Les résultats de ces analyses ont été interprétés avec l’aide de Frédéric Gimbert, spécialiste des pollutions minières et chercheur en écotoxicologie au CNRS de Besançon. (...)

au niveau du point de rejet d’Imerys, les concentrations en nickel sont jusqu’à 60 fois supérieures à la valeur guide pour un bon état écologique des sédiments d’eau douce. Les concentrations en cobalt sont jusqu’à 20 fois supérieures à cette valeur. Les analyses révèlent aussi la présence de métaux toxiques qu’Imerys n’est pas censé déverser (...)

Les analyses de Splann ! révèlent également que la contamination s’étend au-delà du périmètre immédiat de la mine. À deux kilomètres en aval du site, au cœur de la réserve naturelle régionale de Magoar Penvern, les concentrations en cobalt et en nickel sont plus de dix fois supérieures aux valeurs guides pour un cours d’eau en bon état écologique.

Un captage d’eau potable en aval de la mine (...)

l’agence publique ne contrôle la qualité des eaux brutes qu’après qu’elles aient été mélangées à la station de traitement. Une fois dilués dans les eaux prélevées ailleurs, les contaminants d’Imerys passent inaperçus. Ce qui pousse certains riverains désabusés à résumer ainsi la situation : « La mine de Glomel utilise la réserve naturelle régionale comme station d’épuration » pour traiter ses effluents chargés en métaux toxiques. « Mais si la contamination continue d’augmenter, explique l’ingénieur chimiste, l’eau de ce captage risque de ne plus être utilisable pour produire de l’eau potable. » (...)

Un lac rempli de métaux lourds (...)

Les déchets miniers ont contaminé les eaux souterraines (...)

Qui traitera les eaux acides ?

En 2044, en théorie, l’extraction d’andalousite sera terminée et viendra le temps de la « remise en état », comme on dit. Mais la roche exploitée à Glomel a une particularité : elle contient de la pyrite, c’est-à-dire du soufre. Quand la roche mise à nu par l’extraction ou les déchets miniers du site rencontrent de l’eau (la pluie par exemple), cette eau se transforme naturellement en acide sulfurique et entraîne vers l’aval les contaminants présents dans la roche. C’est ce qu’on appelle le drainage minier acide, l’une des pollutions les plus redoutables liées à l’activité minière. (...)

qui va traiter ces eaux de ruissellement dans un siècle pour empêcher cette marée acide de contaminer le bassin de l’Ellé ? (...)

Une extension contestée en justice

« Les pollutions minières du passé posent des problèmes insurmontables, et l’État, qui doit les gérer tant bien que mal, le sait très bien, estime Dominique Williams, membre d’Eau et rivières de Bretagne. Pourtant, il reproduit les mêmes erreurs à une échelle dix fois supérieure. Les services de la préfecture ont délivré cette autorisation sans prendre la mesure de l’ampleur de cette pollution. »

La préfecture des Côtes-d’Armor et la direction régionale de l’environnement ont été alertées de la contamination aux métaux lourds que révèle l’enquête de Splann !, et des problèmes soulevés par l’étendue considérable du drainage minier acide après la fermeture du site. La Région Bretagne a elle aussi « soumis ces informations à l’État afin qu’il puisse répondre aux inquiétudes exprimées » tout en indiquant à Splann ! qu’elle prenait « au sérieux l’alerte émise » sur la pollution de la réserve naturelle régionale.

Or, malgré nos sollicitations, l’État ne s’est pas exprimé. Quant au groupe Imerys, notre rédaction lui a donné la possibilité de revenir sur ses déclarations concernant l’absence de métaux lourds et d’impact sur les eaux : il n’a pas souhaité nous répondre. Mais l’extension de la mine est d’ores et déjà contestée devant la justice. Fin octobre, l’association Eau et rivières de Bretagne a déposé un recours contre l’ouverture de la nouvelle fosse au tribunal administratif de Rennes.