
Un niveau de vie qui stagne, des conditions de travail qui se dégradent et des acquis sociaux en danger : c’est ce que subissent aujourd’hui nombre de caissières qui, en plein confinement, avaient dû travailler au péril de leur santé et sans être payées plus.
(...) « Pendant le confinement, les gens n’étaient pas très humains. Ils ne pensaient qu’à eux et vidaient les rayons », se remémore Sabine Pruvost, déléguée syndicale centrale Force ouvrière à Lidl, en poste depuis 30 ans. Une de ses collègues, déléguée FO et responsable adjointe d’un Lidl près de Marseille, n’en garde pas un meilleur souvenir : « Les magasins étaient complètement retournés, on travaillait dans des conditions atroces. Quand on a été confiné·es, tout le monde voulait rentrer sans masque. C’était compliqué, on se disputait tous les jours avec les client·es pour faire respecter les gestes barrières », décrit-elle, à propos d’une période que la quasi-totalité des salariées interviewées décrit comme « très anxiogène ».
Et cela à raison. Le 27 mars 2020, alors que la France se confine depuis 10 jours, Aïcha Issadounène, 52 ans, succombe des suites du Covid-19. Sa mort vient s’ajouter à celles de près de 2000 victimes du virus, enregistrées dans le pays depuis le 15 février. Après celui d’Alain Siekappen Kemayou, chef de la sécurité de 45 ans au centre commercial O’Parinor à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), il s’agit du deuxième décès dans la grande distribution. (...)
La prime de 1000 euros rapidement promise par Auchan, Carrefour, ou encore Casino, n’a suscité qu’un enthousiasme de courte durée. Dans un grand nombre d’enseignes, le versement de la prime va dépendre en réalité du nombre d’heures ou de jours travaillés. (...)
Qu’il semble loin, le temps où les caissières étaient choyées, applaudies et remerciées. D’une même voix, celles-ci témoignent aujourd’hui d’une dégradation générale de leurs conditions de travail. « J’ai vu l’entreprise se dégrader au fur et à mesure. Rien n’a été fait pour nous. Tout s’est empiré », dénonce Séverine Dedieu à propos d’Auchan. Après un premier plan social en 2020, l’enseigne a annoncé en novembre 2024 la suppression de près de 2400 emplois et la fermeture d’une dizaine de magasins dans l’Hexagone. Si celui de Séverine Dedieu, dans l’Essonne, n’est « pour l’instant » pas menacé, il va néanmoins perdre six postes de vendeur·ses. (...)
« Maintenant, toute personne embauchée est considérée comme équipier magasin. C’est-à-dire qu’elle n’est pas uniquement hôtesse de relation client, mais qu’elle peut aller aussi bien en rayon qu’en caisse et n’aura pas un poste bien défini », décrit Séverine Dedieu, qui a refusé cette requalification la concernant. « Les exigences vont ainsi croissant dans les métiers de services, alors que les salaires stagnent dans un contexte d’inflation galopante », résume l’autrice Racha Belmehdi dans son livre À votre service, les travailleurs essentiels qu’on ne voit pas, paru chez Favre en 2024.
Une généralisation des locations-gérances et franchises (...)
« On nous avait vendu du rêve avec les caisses automatiques » (...)
Si les caissières de Lidl échappent encore pour la plupart aux caisses automatiques, celles-ci vont se multiplier dans les magasins refaits à neuf. Et ce, aux dépens des premières concernées, si l’on en croit l’expérience d’autres enseignes. « On nous avait vendu du rêve avec les caisses automatiques. Normalement, c’était une personne pour quatre caisses, mais ce n’est jamais le cas. On se retrouve souvent seule avec six caisses à gérer, c’est très compliqué, décrit Séverine Dedieu à Auchan, pour qui ces caisses « posent beaucoup de problèmes ». (...)
« La tendance qu’on observe, c’est qu’ils s’aperçoivent que les caisses automatiques ne sont pas si rentables, car il y a énormément de vols. Donc ils sont en train de les retirer après en avoir mis partout », décrit Jean Pastor. (...)