
En détention en Angleterre dans l’attente d’une réponse de la France quant à leur réadmission, des personnes migrantes ont confié leur incompréhension du dispositif de renvoi au média britannique The Guardian. Plus d’une semaine après l’annonce de l’entrée en vigueur de cet accord franco-britannique "un pour un", les tentatives de passage se poursuivent.
"Je suis encore sous le choc", a confié au Guardian un Érythréen, joint par téléphone depuis un centre de détention anglais. Une semaine après l’entrée en vigueur de l’accord franco-britannique "un pour un", cet exilé fait partie des premiers détenus concernés avec lequel le média britannique a pu s’entretenir. "Nous n’avons pas compris ce qui nous arrivait lorsque le ministère de l’Intérieur nous a transférés de Manston [une ancienne base militaire du Kent, aux conditions décriées] où nous avions été enregistrés, directement vers cet endroit qui ressemble à une prison", expose cet exilé.
"Le Home Office vient de nous enfermer dans ces pièces et nous a dit que nous ne pouvions pas en sortir. Nous avons peur des dangereux criminels qui sont enfermés avec nous. Nous avons tellement peur de ce que le Home Office va nous faire", confie un second homme, venu d’Afghanistan. "Les Taliban ont essayé de me tuer, alors je me suis enfui d’Afghanistan. Je pensais être libre quand je suis arrivé au Royaume-Uni, mais je me retrouve dans cette prison. Nous ne savions rien de l’accord quand nous avons quitté la France."
Pour rappel, l’accord consiste en un dispositif pilote de renvoi vers la France d’exilés ayant traversé la Manche, contre l’entrée contrôlée de l’exact même nombre d’exilés prouvant leurs attaches au Royaume-Uni. Ce dispositif sera expérimenté jusqu’en juin 2026.
"Pourquoi ils amenaient ici certaines personnes arrivées sur le même bateau que moi, mais laissaient les autres partir ?"
Avec perplexité, l’exilé érythréen raconte un tri opéré à l’arrivée sans motif clair : "lorsque nous avons demandé pourquoi ils amenaient ici certaines personnes arrivées sur le même bateau que moi, mais laissaient les autres partir, ils ne nous ont pas répondu."
Les critères de sélection sont en effet plus que flous, pour l’heure. Le Home Office indique que pourra être renvoyée vers la France toute personne qui a traversé la Manche et n’a pas demandé l’asile, ou dont la demande d’asile est jugée "irrecevable". Interrogé par InfoMigrants sur ce que signifie le terme "irrecevable", le Home Office indique qu’il s’agit de toute personne qui a "traversé un pays sûr pour se rendre au Royaume-Uni ou qui a un lien avec un pays sûr, notamment en y ayant déjà demandé l’asile ou en pouvant raisonnablement s’attendre à le faire." Autrement dit : toutes les personnes parties du littoral français, puisque la France étant un pays sûr. (...)
Les appréhensions de l’homme érythréen interrogé par le Guardian sont grandes, à l’idée d’être renvoyé. Celui-ci affirme avoir été victime de traite et torturé lorsqu’il a traversé la Libye. "Je pense que si je suis renvoyé en France et que les passeurs me trouvent, ils me tueront".
Karris Hamilton, responsable du plaidoyer au sein du Gatwick Detainees Welfare Group soutenant des personnes destinées au renvoi vers la France, abonde auprès du Guardian : "Ceux avec qui nous avons parlé jusqu’à présent sont en grande détresse et beaucoup ont été victimes de torture, exploités par des trafiquants pendant leur voyage ou victimes d’esclavage moderne en Libye." (...)
La responsable alerte sur les risques pour la santé physique et psychologique. "Les gens ont du mal à manger et à dormir en raison de leur environnement carcéral, ne sachant pas combien de temps ils resteront là et craignant d’être renvoyés en France. Nous craignons fortement une augmentation des cas d’automutilation, de tentatives de suicide et de grèves de la faim en raison de cette situation."
Toujours de nombreux candidats au départ
Malgré les annonces des Britanniques autour de ces premières arrestations pour tenter de décourager les traversées, le rythme de l’été est effréné. (...)