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Mediapart
Sainte-Soline : le ministre de l’intérieur demande une enquête, la gauche exige plus. + film "autopsie d’un carnage"
#SainteSoline #gendarmerie
Article mis en ligne le 6 novembre 2025

Après les révélations de Mediapart et « Libération », Laurent Nuñez a demandé mercredi l’ouverture d’une enquête administrative sur le comportement des gendarmes, deux ans et demi après les faits. Les manifestants blessés, eux, dénoncent les donneurs d’ordres.

Laurent Nuñez a demandé mercredi au directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) d’ouvrir une enquête administrative pour « faire la lumière » sur le comportement des gendarmes déployés à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars 2023, quelques heures après les révélations de Mediapart et Libération.

Des images inédites, filmées par les caméras-piétons des gendarmes, montrent en effet des consignes prohibées et dangereuses données par la hiérarchie, l’emploi d’un vocabulaire guerrier et une troublante satisfaction de blesser « l’adversaire ».

À ce stade, le cabinet du ministre a confirmé qu’une enquête administrative serait confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), deux ans et demi après les faits. Il n’en a toutefois pas précisé le périmètre exact, ni n’a réagi sur le fond aux faits visibles dans ces vidéos : des tirs tendus, des propos traduisant une volonté de blesser et de très nombreuses insultes envers les manifestant·es. (...)

En parallèle, l’IGGN était déjà saisie de l’enquête pénale sur les quatre blessé·es graves de Sainte-Soline. Alors qu’elle était en possession des mêmes images, elles n’a pas signalé à la justice l’intégralité des infractions potentielles, loin s’en faut.

« Une répression toujours plus violente »

Plus tôt dans la journée, les quatre blessé·es concerné·es par l’enquête pénale ont publié un communiqué, dans lequel ils demandent « la poursuite des investigations ». Serge, Alix*, Mickaël et Olivier* qualifient les expertises réalisées de « partiales et lacunaires » et déplorent que « de nombreuses zones d’ombre » demeurent.

« Nous avons aujourd’hui les preuves audio et vidéo de ce dont nous nous doutions : les actes qui ont causé tant de blessures et fait frôler la mort à nombre d’entre nous ne sont pas l’œuvre d’individus particulièrement violents, mais découlent de l’ordre donné par une institution », ajoutent-ils, évoquant « un processus visant depuis de nombreuses années à banaliser une répression toujours plus violente ».

Dans la même veine, des manifestant·es de Sainte-Soline qui ont saisi le Défenseur des droits (et qui attendent encore ses conclusions) ont publié leur propre texte, après avoir « appris avec effarement le résultat de l’enquête préliminaire » dans la presse. Ils se disent « indigné·es de la légèreté avec laquelle cette enquête a été conduite », constatant notamment « l’exploitation anecdotique des vidéos quand bien même des faits et propos très choquants y sont retrouvés » et « l’usage non réglementaire des armes quasi systématisé ».

Les Soulèvements de la Terre, co-organisateurs de la manifestation du 25 mars 2023, estiment que « la violence, le risque assumé de mutiler et même de tuer, la jouissance devant les blessures infligées, étaient bel et bien du côté des forces de l’ordre ». Le collectif évoque « un système d’impunité organisé, un appareil d’État où la haine des manifestants est non seulement tolérée, mais encouragée » et appelle à « désarmer cette institution criminelle ».
La gauche demande une commission d’enquête

Le 25 mars 2023, sept député·es de La France insoumise (LFI) étaient à Sainte-Soline, dont Clémence Guetté. « Extrêmement choquée par la répression indiscriminée », la députée avait déjà réclamé en vain, en avril 2023, une commission d’enquête sur la gestion du maintien de l’ordre. Mercredi soir, avec l’ensemble de son groupe parlementaire, elle a réitéré sa demande et adressé un signalement à la justice.

Les images révélées par Mediapart et Libération, affirme Clémence Guetté, « correspondent tout à fait à ce qu’on a vécu cette journée-là : une répression généralisée, des pratiques qui, de toute évidence, ne sont pas autorisées en France, des armes de guerre qui ne devraient pas être utilisées contre des manifestants, des tirs tendus, mais aussi l’hostilité de certains gendarmes ». Pour elle, « la question ne se limite pas à Sainte-Soline ».

« Il faut que le gouvernement s’exprime », poursuit la députée. « Je ne peux pas croire que les ministres concernés n’aient rien à dire sur des fonctionnaires censés maintenir l’ordre qui insultent, rient de potentiels blessés, de potentiels tués, d’ordres donnés pour des gestes absolument interdits. »

Comme Clémence Guetté, plusieurs députés LFI ont vivement réagi aux révélations sur les agissements « indignes » des gendarmes et réclamé « des sanctions ». (...)

La cheffe de file des Écologistes, Marine Tondelier, qui participait aussi à la manifestation de Sainte-Soline et avait passé plusieurs heures aux côtés de l’une des blessées graves, parle de faits « d’une gravité inqualifiable ». Sept parlementaires écologistes ont écrit au ministre de l’intérieur Laurent Nunez pour réclamer « des sanctions exemplaires et une enquête complète sur la chaîne de commandement ». Ils annoncent également avoir saisi la procureure de la République. (...)

Voir aussi :

 (OFF Investigation)
SAINTE SOLINE, AUTOPSIE D’UN « CARNAGE

Synopsis : Le 25 mars 2023, près de 20.000 manifestants convergent vers le chantier de la mégabassine de Sainte Soline (Deux-Sèvres) pour protester contre l’accaparement de l’eau par une poignée de gros céréaliers soutenus par l’État. Interdite, la manifestation est sévèrement réprimée. Équipés "d’armes de guerre", parfois montés sur des "Quads", 3.200 gendarmes tirent plus de 5.000 munitions (grenades explosives ou assourdissantes, balles de LBD 40, ...) sur des militants déterminés, mais aussi des femmes, des vieillards, des enfants, des élus et même des blessés. Un "usage disproportionné et indiscriminé de la force", selon la Ligue des Droits de l’Homme. Plus grave : les autorités interdisent l’accès aux secours durant plusieurs heures. Résultat : plus de 240 blessés, dont certains entre la vie et la mort.
🕯️ Un an après, Off investigation et Reporterre, deux médias libre des actionnaires, du pouvoir, et des annonceurs publicitaires retracent minutieusement de l’intérieur et en toute indépendance l’une des plus graves répressions de civils organisée sous la Vème République depuis octobre 1961. (...)