
Le GPEN, réseau d’organismes agissant pour la protection de la vie privée au sein de pays membres de l’OCDE, a réalisé un « ratissage » de 1 010 sites web et applications mobiles. Il a constaté que pour la plupart d’entre eux, lors de la navigation, l’internaute rencontre au moins un mécanisme de conception trompeuse concernant la protection de la vie privée.
En mai dernier, le Global Privacy Enforcement Network (GPEN – réseau d’organismes agissant pour la protection de la vie privée au sein de pays membres de l’OCDE) a organisé une énorme opération de « ratissage » avec ses 26 autorités de protection des données dans le monde et le réseau des 27 autorités de protection des consommateurs de l’International Consumer Protection and Enforcement Network (ICPEN).
Objectifs ? Évaluer comment les internautes pouvaient faire des choix en matière de protection de la vie privée, obtenir des renseignements sur la protection de la vie privée et se déconnecter d’un compte et le supprimer. Le tout en naviguant sur les différents sites internet et les applications visés, ce que le GPEN appelle du « ratissage ». Les résultats ne sont guère surpUne diversité de dark patterns
Les résultats, exposés dans le rapport du GPEN, ne surprennent pas. Ils ont toutefois le mérite d’objectiver la perception de la navigation quotidienne de l’internaute : « Pour 97 % [des sites Web et des applications examinés], et dans des industries multiples, les ratisseurs ont rencontré au moins un mécanisme de conception trompeuse dans leur tentative de prendre des décisions protégeant la vie privée ou d’obtenir des renseignements liés à la protection de la vie privée ». Quand on entend « dark patterns », on pense souvent aux design de formulaires d’acceptations qui poussent à des actions forcées. Mais le mécanisme de conception trompeuse le plus utilisé est l’ « utilisation d’un langage complexe et déroutant dans les politiques sur la vie privée ». 89 % d’entre elles étaient ainsi excessivement longues (plus de 3 000 mots) ou contenaient des termes techniques et déroutants. Dans 43 % des interactions (c’est-à-dire des tâches à accomplir par les « ratisseurs »), les sites Web et applications examinés ont recouru à une interférence d’interface. On est là dans ce qui est plus facilement catégorisé comme dark pattern. Le rapport détaille plusieurs catégories :
- une « fausse hiérarchie » : met l’accent sur certains éléments visuels et en escamote d’autres, dirigeant ainsi les utilisateurs vers des options qui protègent moins la vie privée (voir la « Figure 4 » ci-dessous) ;
- une « présélection » : amène à sélectionner par défaut les options les plus intrusives dans la vie privée ;
- une « manipulation émotionnelle » : utilise un langage émotionnel qui amène les utilisateurs à se tourner vers les options privilégiées par les organisations (p. ex. « Acceptez et profitez des offres ! » ou « Quoi ? Vous ne voulez pas économiser ? ».
70 % des pop-ups de cookiesrenants. (...)
Des politiques de confidentialité trop longues et complexes (...)
Cinglant, mais aux conséquences inconnues
Ce rapport est en tout cas cinglant : « les constatations suggèrent que les plateformes de la plupart des organisations sont conçues pour encourager les utilisateurs à prendre des décisions liées à la protection de la vie privée dans l’intérêt de la plateforme et potentiellement contraires à l’intérêt supérieur des utilisateurs ». Il ajoute « les mécanismes de conception trompeuse servent à miner l’autonomie des utilisateurs en manière de protection de la vie privée ». Dans le communiqué de la CNIL (qui a participé au « ratissage » comme les 25 autres autorités de protection des données du GPEN), l’autorité française explique que « chaque membre du GPEN déterminera de façon indépendante s’il est nécessaire de prendre des mesures d’application supplémentaires ». Interrogée par nos soins, elle n’a pas encore répondu à la question de la prise de mesures supplémentaires, alors que le constat du GPEN d’une utilisation massive des dark patterns est clair.