
Il y a tout juste 197 ans, le roi Charles X signait une ordonnance régissant l’exercice du culte catholique en Guyane, alors colonie française. Près de deux siècles plus tard, cette ordonnance est toujours en vigueur, rendant le territoire guyanais l’un des rares où un lien existe entre l’État et l’Église. Mais ce n’est pas le seul où la loi de 1905, actant la laïcité de la France, ne s’applique pas. C’est le cas par exemple de l’Alsace et la Moselle, territoires qui étaient allemands au moment où la loi a été adoptée. C’est aussi le cas en Guyane donc, mais aussi à Mayotte, à Saint-Pierre et Miquelon ou encore dans les territoires du Pacifique.
Pourquoi le régime cultuel est-il différent dans certains territoires ultramarins ? Une circulaire du ministère de l’Intérieur datée du 25 août 2011 rappelle ces spécificités : "La loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas uniformément sur le territoire de la République en raison, d’une part, des particularités locales qui ont prévalu lors de la promulgation de la loi, et d’autre part, des changements successifs de statut des anciennes colonies".
En Guyane, la Collectivité territoriale rémunère les prêtres
Cinq régimes de culte différents sont donc aujourd’hui applicables dans l’ensemble des territoires ultramarins. D’abord, il y a ceux qui appliquent la même règle qu’à l’échelle nationale, c’est-à-dire une séparation stricte de l’Église et de l’État. C’est le cas en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et à La Réunion. Comme dans l’Hexagone, la loi y prévoit la neutralité des autorités publiques dans les affaires religieuses, et assure la liberté de culte. Aucun financement de quelconque religion n’est autorisé. Les cultes dépendent donc des dons des fidèles. (...)
Ailleurs, c’est différent. En Guyane, par exemple, l’exercice du culte est régi par une ordonnance royale datant de 1828. (...)
Concrètement, l’autorité publique (soit la Collectivité territoriale de Guyane) doit dédier une partie de son budget au financement du culte catholique (autour d’1,1 million d’euros par an), notamment pour rémunérer les prêtres et entretenir les églises. Une pratique qui soulève des questions. Des initiatives judiciaires et parlementaires ont tenté de revenir sur ce régime spécial jugé contraire aux valeurs de la République. Mais l’ordonnance du roi Charles X reste belle et bien en vigueur, comme confirmé ces dernières années par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Des accords tendent néanmoins à revenir sur ce cas bien particulier. Un accord entre l’Église catholique et la Collectivité territoriale a récemment été trouvé pour que les nouveaux prêtres soient payés par le diocèse, et non plus par les pouvoirs publics. Ce qui a mis l’institution religieuse dans une situation financière compliquée.
Les décrets Mandel (...)
En 1939, les "décrets Mandel", du nom du ministre des colonies Georges Mandel, sont venus préciser l’exercice du droit de culte en Outre-mer. Ces textes ont permis de créer des missions religieuses, gérées par un conseil d’administration sous la tutelle du préfet, qui font le lien entre le culte et les représentants de l’État. Toutes les religions peuvent créer leur mission et donc recevoir des fonds publics.
Ces décrets s’appliquent en Guyane, où seule l’Église catholique a créé une mission, mais aussi à Mayotte, autre département ultramarin dont le régime du culte est spécifique. Dans ce territoire à majorité musulmane, les autorités publiques peuvent financer le catholicisme et l’islam.
Les décrets Mandel s’appliquent également dans les collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna), à Saint-Pierre et Miquelon et dans les TAAF, où c’est principalement l’Église catholique qui reçoit des fonds de l’État (ainsi que le protestantisme en Polynésie). Des exceptions qui prennent en considération les spécificités des cultures locales.
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Lire aussi :
– (Légifrance)
Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.
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Article 1
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3. (...)