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Mediapart
Service national : Macron et la stratégie de la militarisation
#Macron #serviceNational #militarisation
Article mis en ligne le 30 novembre 2025
dernière modification le 28 novembre 2025

Un service national « purement militaire » verra le jour à l’été 2026 pour les jeunes majeurs volontaires. Le président de la République a trouvé la ligne directrice de sa fin de mandat : la préparation du pays à la guerre. Une manière de redevenir audible sur la scène intérieure, espère-t-on à l’Élysée.

Vingt-huit ans après la suppression du service militaire, Emmanuel Macron a annoncé le lancement en 2026 d’un service national volontaire d’une durée de dix mois. « Nous avons besoin de la mobilisation de la nation pour se tenir prête et être respectée », a déclaré le président de la République dans un discours prononcé à Varces (Isère), jeudi 27 novembre.

Dès l’été prochain, 3 000 jeunes femmes et jeunes hommes, essentiellement âgé·es de 18 et 19 ans, devraient constituer la première promotion de ce nouveau service militaire. L’exécutif vise le seuil de 10 000 jeunes incorporé·es à l’été 2030 puis 50 000 en 2035. Les volontaires bénéficieront d’une solde, estimée aux alentours de 800 euros par mois, mais dont le chef de l’État n’a pas précisé le montant exact jeudi.

L’annonce de Varces acte la fin du service national universel (SNU), lancé durant le premier quinquennat Macron, qui a multiplié les échecs et les mécontentements. Le temps où le pouvoir vantait un dispositif civique et citoyen, mêlant initiation à l’écologie et ateliers de cohésion, n’est plus ; le nouveau système sera « purement militaire », a martelé Emmanuel Macron. (...)

Le parallèle est assumé : à l’Élysée, la conviction est faite que la période de paix ouverte par la fin de la guerre froide est terminée. (...)

Les propos du chef d’état-major des armées, Fabien Mandon, qui a indiqué au congrès annuel des maires que la France devrait « accepter de perdre ses enfants », sont, à cette aune, tout sauf une sortie de piste. Avant d’être nommé à ce poste fin juillet, le général était le chef d’état-major particulier du président de la République. Un membre du premier cercle, dont la lettre de mission à la tête des armées était précisément d’aider le pays à prendre conscience du péril.

« Oui, les dividendes de la paix, c’est terminé », a embrayé Catherine Vautrin, la ministre des armées, quelques jours plus tard. (...)

Pourtant, le risque politique n’est pas moindre. Et les accents martiaux d’Emmanuel Macron ravivent déjà les procès en catastrophisme. Depuis le Kirghizistan, Vladimir Poutine a profité d’une conférence de presse pour railler « cette idée ridicule » des dirigeants européens selon laquelle la Russie pourrait attaquer l’Europe. « Peut-être qu’ils essaient simplement de créer une sorte d’illusion pour leur population », a lancé le président russe, dont les velléités d’expansion font pourtant peu de mystère. (...)

Emmanuel Macron, lui, n’en démord pas : son second quinquennat sera militaire ou ne sera pas. Tout dans ses choix le montre, de sa campagne de 2022, largement centrée sur l’invasion russe en Ukraine, aux moyens alloués à la défense depuis sa réélection en passant par la nomination de son ministre des armées à Matignon et son investissement pour la défense de l’Ukraine.

La militarisation du second quinquennat présente trois avantages. Sur la scène diplomatique, l’objectif est de redonner à la voix de la France le souffle qui lui manque actuellement. Les événements récents, en Ukraine et à Gaza notamment, et le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ont convaincu la diplomatie française que le temps était à la force et à son exhibition.

Alors, Paris joue le jeu, vante son armée, « la plus efficace d’Europe » selon le chef de l’État, rappelle plus volontiers son statut de puissance nucléaire. La conversion de l’armée française vers un « modèle hybride », entre noyau professionnel, réservistes et service volontaire, est décrite comme une nouvelle étape sur le chemin de l’affirmation militaire.
L’espoir d’un consensus

Le second intérêt d’Emmanuel Macron est plus politique. Privé de majorité parlementaire, il a tout intérêt à trouver des objets consensuels pour continuer à être audible sur la scène intérieure. (...)

Sur le fond, estime l’Élysée, le service volontaire n’est pas un sujet de clivage. Jordan Bardella, le président du Rassemblement national (RN), en est un fervent défenseur. Et même Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI), défend depuis des années l’idée d’un service national obligatoire, dont les missions dépasseraient toutefois largement le cadre militaire. (...)

Président d’une République à bout de souffle, à la tête d’un camp politique minoritaire, Emmanuel Macron a un troisième intérêt à endosser les habits du chef des armées : c’est, de toutes ses prérogatives, la plus incontestable, celle qui donne la plus grande légitimité.

Au moment où des voix de plus en plus nombreuses, jusqu’à son ancien premier ministre, Édouard Philippe, appellent à sa démission ou la décrivent comme inéluctable, la dramatisation de la menace militaire offre au chef de l’État le souffle de légitimité dont les deux dernières années l’ont privé. (...)

L’article 16 de la Constitution est encore loin, qui permet au chef de l’État de bénéficier de pouvoirs exceptionnels et étendus « lorsque l’indépendance de la Nation » ou « l’intégrité de son territoire » sont menacés « d’une manière grave et imminente ». Mais le scénario d’une guerre sur le sol européen est de plus en plus ouvertement évoqué, encore jeudi par Emmanuel Macron. « En cas de crise majeure », le service national « deviendrait obligatoire », a-t-il prévenu.