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Mediapart
Signature d’un accord pour la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie »
#NouvelleCaledonie #Kanaky #droitdemanifester #neocolonialisme
Article mis en ligne le 13 juillet 2025
dernière modification le 12 juillet 2025

Les forces politiques de l’archipel ont signé, samedi 12 juillet au matin, un projet d’accord avec le gouvernement français, marquant leur engagement vers un nouveau statut du territoire. Une solution présentée comme « unique au monde » prévoyant la mise en place d’une double nationalité, française et calédonienne.

Dix jours de négociations, de crispations, de doutes et d’équilibres précaires… Il y a encore quelques heures, personne ne s’aventurait à parier sur la possibilité d’un accord entre les forces politiques de Nouvelle-Calédonie réunies à huis clos dans un hôtel de Bougival (Yvelines) depuis plus d’une semaine. Et pourtant, l’annonce est tombée samedi 12 juillet aux aurores, photo des signatures à l’appui : l’ensemble des partenaires ont entériné un projet d’accord sur l’avenir institutionnel, comprenant également un pacte de réformes économiques.

De l’aveu de celles et ceux qui ont planché sur son écriture juridique, le texte intitulé « Le pari de la confiance » (consultable en annexe de cet article) relève du monument historique. Il tend à créer un nouveau statut « unique au monde » : « une organisation institutionnelle sui generis [dont la singularité prévient tout classement dans une catégorie déjà répertoriée – ndlr] de “l’État de la Nouvelle-Calédonie” au sein de l’ensemble national, inscrit dans la Constitution de la République française ».

Le projet d’accord, que les signataires s’engagent à défendre auprès de leurs bases et qui sera soumis au vote des populations intéressées en février 2026, « fixe les conditions dans lesquelles est créée une nationalité calédonienne ». « Ainsi, les Calédoniens bénéficieront d’une double nationalité, française et calédonienne, peut-on lire dans le texte. Ils conserveront la citoyenneté européenne. » Et « l’État de la Nouvelle-Calédonie » pourra être reconnu par la communauté internationale. (...)

Une nouvelle logique partagée

Celles et ceux qui ont participé aux discussions des derniers jours insistent sur ce point : chaque camp a fait un pas vers l’autre. Le discours prononcé par Emmanuel Macron à l’ouverture du sommet n’y est pas pour rien. Le président de la République avait alors proposé d’ouvrir une période de reconstruction de l’archipel d’une durée de quinze ou vingt ans, à l’issue de laquelle les Néo-Calédonien·nes seraient de nouveau consulté·es par référendum non pas sur une question binaire, mais sur un projet.

Cette proposition, perçue comme un « Nouméa II » aux perspectives trop lointaines, a produit des effets inespérés : plutôt que de repartir sur une solution à long terme, à l’issue de laquelle surgirait un nouveau référendum d’autodétermination dont ils ne veulent pas, les loyalistes se sont résignés à trouver un accord définitif et immédiat. De leur côté, les indépendantistes ont aussi accepté de sortir de la logique référendaire vers une solution tranchée de souveraineté pleine et entière, pour cheminer sur une voie plus consensuelle. (...)

La tâche risque de s’avérer ardue au regard de certaines premières réactions venues de l’archipel. Côté loyalistes, le vice-président de la province Sud, Philippe Blaise, qui avait été aperçu au milieu d’une milice armée au plus fort des révoltes de 2024, a regretté sur son compte Facebook privé que des membres de son parti aient franchi une « ligne rouge » – celle de la création d’un État – sans autre concertation. « À titre personnel, c’est une rupture fondamentale avec le sens du combat que j’ai mené depuis 40 ans pour rester Français », a -t-il écrit.

Côté indépendantistes, la signature matinale du projet suscite aussi des incompréhensions, pour ne pas dire plus. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) n’avait a proprement parler donné aucun mandat aux négociateurs pour signer quoi que ce soit, avant d’en rendre compte aux différentes structures du mouvement. En outre, certains considèrent que ce projet constitue une rupture fondamentale avec la lutte kanak, puisqu’il propose une « décolonisation interne » dans la France et non plus externe par l’indépendance. (...)

Samedi après-midi, le chef du gouvernement, François Bayrou, devait réunir les principaux ministres concernés afin d’asseoir l’accord signé le matin même. Le chef de l’État, qui recevra les signataires en fin de journée à l’Élysée, a lui aussi salué sur le réseau social X « un accord historique », ajoutant que « l’heure est désormais au respect, à la stabilité et à l’addition des bonnes volontés pour bâtir un avenir partagé ». Pour les artisans du projet, qui ont enchaîné les nuits blanches depuis dix jours, tout reste à faire : « On a donné du boulot aux juristes pour les vingt prochaines années », sourit l’un d’entre eux.