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Mediapart
Surveillante tuée au couteau par un élève : l’Éducation nationale impuissante face à des drames en série
#educationNationale #mineurs #agressions #meurtres
Article mis en ligne le 11 juin 2025

Mardi matin, l’élève a attaqué l’assistante d’éducation à l’occasion d’une fouille des sacs devant un collège de Nogent (Haute-Marne). Le drame s’inscrit dans une succession d’attaques au couteau commises par des mineurs près des établissements scolaires, à laquelle le gouvernement peine à répondre.

Un peu avant 8 heures mardi 10 juin au matin, et alors même qu’un contrôle des sacs était organisé par la gendarmerie devant l’établissement, un élève de 14 ans a porté plusieurs coups de couteau à une assistante d’éducation (AED). La scène s’est déroulée dans le collège Françoise-Dolto à Nogent (Haute-Marne) sous les yeux de plusieurs de ses camarades. La jeune femme de 31 ans est morte.

Le suspect a été placé en garde à vue, indique le procureur de Haute-Marne. L’académie de Reims a, elle, déployé une équipe mobile de sécurité sur place et va mettre en place une cellule de soutien psychologique, « le temps qu’il faudra », pour les élèves et les adultes en état de choc.

Alors qu’Emmanuel Macron a parlé, après avoir appris les faits, d’un « déferlement de violence insensé » commis contre une membre du personnel qui « veillait sur [nos] enfants à Nogent », la ministre de l’éducation nationale, Élisabeth Borne, arrivée au collège en milieu de journée, a, elle, donné quelques premiers éléments sur le profil du mineur.

Le garçon, « très bien intégré », « dont les deux parents travaillent », a tenu à préciser la ministre, ne présentait pas de difficultés particulières. Il était même « ambassadeur harcèlement » dans son collège, ce qui signifie qu’il a été particulièrement formé à la détection de la violence entre élèves.

Ses professeur·es, confiné·es toute la matinée avec leurs élèves, seraient « sidérés ». « Le collégien avait fait l’objet de deux exclusions temporaires pour perturbation de la classe, mais depuis novembre, la principale n’aurait eu aucune difficulté avec cet élève », a poursuivi Élisabeth Borne. Il n’avait par ailleurs aucun antécédent judiciaire.

Le collège Françoise-Dolto, installé dans une commune d’environ 3 000 habitant·es, se situe en zone rurale et n’est pas considéré comme un établissement difficile. Une première fouille des sacs avait eu lieu quelques semaines auparavant, sans qu’aucun couteau ou arme n’ait été trouvé.

Cette attaque s’inscrit cependant dans une série de faits proches, au moins sur le mode opératoire. (...)

le 24 mars, un adolescent de 17 ans est mort des suites de ses blessures, après avoir été poignardé devant un lycée de l’Essonne dans le cadre d’une rixe entre élèves.

C’est après cette attaque qu’Élisabeth Borne et Bruno Retailleau ont lancé une circulaire permettant des « fouilles inopinées », mesure qui a donné lieu, entre le 26 mars et le 23 mai, à 6 002 opérations, permettant de trouver ⁠186 couteaux et 225 autres objets potentiellement dangereux. Ces opérations ont aussi abouti à 32 gardes à vue et à la tenue de 567 conseils de discipline pour détention de couteau, selon le ministère. Les fouilles aléatoires doivent être menées par la gendarmerie, sous la responsabilité du procureur et en collaboration avec les responsables des établissements.

Des surveillants vulnérables

Dès la mise en œuvre de ce plan, le personnel éducatif et ses représentants avaient cependant pointé la vulnérabilité des assistant·es d’éducation dans un tel dispositif. « Les surveillants ont un rôle éducatif d’appui aux professeurs et au conseiller principal d’éducation, et ne doivent jamais se trouver en position de vigiles, assure Sophie Vénétitay, secrétaire national du syndicat Snes-FSU. On ne sait pas encore ce qui s’est passé exactement à Nogent, mais être posté à la grille pour le contrôle des élèves, c’est déjà un dévoiement. »

Maud Valegeas, responsable Sud-Éducation, notamment en charge des AED, assure avoir « alerté Élisabeth Borne sur le statut et la vulnérabilité » des surveillant·es, les « premiers à devoir intervenir dans le cas de violences », et sur l’absence de mesures sérieuses et financées en matière de prévention. « C’est aussi ce que nous avons dit lors des consultations, en cours, sur le climat scolaire », explique-t-elle. (...)

Auprès de France Info, le président de la Peep, fédération de parents d’élèves, juge qu’il n’est « absolument pas normal qu’une assistante d’éducation se soit trouvée en première ligne et poignardée ainsi ». « Donc il y a quand même aujourd’hui, dans ce système-là, une véritable faille », pointe Laurent Zameczkowski.

Sans nier la montée préoccupante des attaques à l’arme blanche, plusieurs acteurs de l’éducation estiment aussi que de simples fouilles aléatoires ne sont pas à la hauteur des enjeux. « Pourquoi on a des élèves qui se baladent avec des couteaux ?, s’interroge Sophie Vénétitay. Parfois, ils disent qu’ils essayent de se défendre, ça pose question sur leurs conditions de vie et leur perception du danger. Il faut tout un travail croisé de prévention avec la justice, ce que nous avions proposé, sans être entendus. »
La réponse politique

Élisabeth Borne, aux portes du collège de Nogent ce mardi, a commencé à esquisser quelques pistes pour aller plus loin. « Il faut aussi agir sur la santé mentale des jeunes », a assuré la ministre de l’éducation nationale. Elle a ainsi rappelé l’une des promesses faites à l’occasion des assises de la santé scolaire, soit le repérage et la prise en charge des jeunes ayant des problèmes psychiatriques ou psychologiques. Ces derniers bénéficient désormais d’un accès « coupe-file » dans les centres médico-psychologiques (CMP) s’ils sont signalés par les établissements scolaires. Selon une enquête de Santé publique France, 15 % des adolescent·es courent un risque élevé de dépression. (...)

Des annonces qui se heurtent à la faiblesse des moyens effectifs dédiés à la fois au secteur médico-social et aux personnels de médecine scolaire. Car dans le même temps, une autre annonce de ces assises consistait à rendre effectif le suivi minimal de tous les élèves à six ans, ce qui va aspirer une partie des personnels disponibles. Actuellement, 40 % des postes de médecins scolaires sont vacants.

La ministre a également évoqué l’usage excessif des écrans et des réseaux sociaux (...)

À la tribune de l’Assemblée, la patronne des député·es RN a interpellé François Bayrou, qui venait lui-même de déplorer, après une minute de silence des parlementaires, « une dérive de la société ». « C’est parce qu’il n’y a jamais eu de réponse politique que l’ultraviolence s’est banalisée », a-t-elle cinglé. « Vous avez raison de dire que les mots ne suffiront pas », a répondu François Bayrou, qui a parlé d’une « décomposition de la société » et appelé à une « réponse pénale qui aille dans le sens de la dissuasion ».

Le gouvernement vient pourtant d’obtenir l’adoption d’une loi réformant la justice des mineur·es, en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. Le texte prévoit des mesures déjà jugées inutiles, voire « dangereuses » pour les acteurs du monde judiciaire, en ce qu’elles rompent avec l’idée que l’éducatif doit primer sur le tout-répressif