
En janvier 2024, l’insurrection de l’Armée zapatiste de libération nationale au Chiapas (région du Mexique) fête ses trente ans. Un peu plus tôt, en 2020, une délégation zapatiste faisait le tour d’Europe à la rencontre des mouvements militants, pour conjurer l’oubli de cette région du monde autant que fédérer les actions politiques entre les deux continents. (...)
cette expérience pensée dès le départ comme alternative au capitalisme reste unique au monde dans sa tentative de construire une nouvelle façon de penser la démocratie participative et son refus de céder à l’autoritarisme et au despotisme qui a gangréné les révolutions partout ailleurs.
Plus de vingt-cinq après, un groupe de zapatistes débarque en bateau à Madrid pour rencontrer des collectifs en lutte. Ils entreprennent un tour d’Europe de plusieurs semaines construit autour de rendez-vous avec divers mouvements féministes, des militants du climat, des réseaux de soutien aux migrants, des zadistes et des mouvements paysans. De nombreuses organisations très différentes les unes des autres mais unies “par la recherche d’un idéal de justice et de liberté (...) et par la conviction que toute prétention à l’hégémonie attente à l’essence de l’être humain”.
Ces rencontres sont racontées dans une bande dessinée dont plusieurs chapitres avaient été publiés dans divers média dont le Monde, Libération, Médiapart et Basta !
Un album publié par Futuropolis en janvier 2024 - pour la date anniversaire de la révolution zapatiste - permet de la découvrir pour la première fois dans son intégralité. (...)
Dès le départ, le mouvement se définit en opposition aux autres guérillas du continent : ils ne souhaitent pas réutiliser leurs armes autrement que pour se défendre et prônent la non-violence (si une cinquantaine de zapatistes sont tués pendant les évènements, on ne compte que trois morts dans l’autre camp, un bilan singulièrement bas pour un mouvement révolutionnaire). La bande dessinée occulte cependant un fait moins glorieux : l’insurrection suscite des déplacements de populations indigènes sur les terres occupées. Vingt mille personnes, à ce jour, n’ont pas récupéré leurs terres, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes vis-à-vis des intentions affichées par le mouvement. (...)
Il n’existe pas de prison : la justice tranche les litiges civils, et la justice pénale vise la réparation plutôt que la punition, qui se pratique sous forme de travaux d’intérêt général. La société pratique cependant le bannissement pour les personnes les plus dangereuses, invitées à quitter la communauté. Le bilan est saisissant : aujourd’hui, malgré l’absence de prison, le Chiapas est l’une des zones moins violentes du continent sud-américain. (...)
Le système de santé comme l’éducation sont gratuits. Ils semblent fonctionner : le taux de vaccination y est plus élevé que dans le reste du Mexique. (...)
Terres Rebelles, le Voyage zapatiste en Europe, de Lisa Lugrin, Jérôme Baschet et Métie Navajo (éditions Futuropolis, 208 pages, 24 euros)