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l’Humanité
« Thales était à la recherche de motifs pour justifier un licenciement » : comment le géant de l’armement s’est attaqué à une lanceuse d’alerte
#Thales #corruption #trafidinluences
Article mis en ligne le 6 août 2025
dernière modification le 3 août 2025

Le groupe français Thalès aurait tenté d’étouffer un scandale de « corruption » et de « trafic d’influence » en licenciant une salariée lanceuse d’alerte sous un faux motif, révèle le média spécialisé « la Lettre ». Cette dernière avait dévoilé comment l’entreprise d’aéronautique aurait infiltré les Nations unies pour glaner des contrats.

L’affaire détonnait de par l’ampleur des institutions concernées : le géant français de l’armement et de l’aéronautique Thales d’un côté, les Nations unies (ONU) de l’autre. Le média spécialisé la Lettre, appuyé par des révélations de Mediapart, dévoilait fin 2021 que l’entreprise a infiltré les plus hautes sphères de la diplomatie mondiale. Au centre de ce scandale : Philippe Schifferling.

Officiellement dépêché par la France au bureau onusien de New York, l’ancien militaire était secrètement rémunéré par Thales. Intégré au service chargé de l’informatique, des télécoms et de la sécurité des missions de maintien de la paix de l’ONU (ICTD), Philippe Schifferling a transmis hebdomadairement des informations sur des marchés en cours d’élaboration et a modifié des appels d’offres en faveur de Thales. (...)

L’imposture avait été dénoncée par une cadre du constructeur en 2019, amenant à une enquête interne. La lanceuse d’alerte avait par la suite alerté l’Agence française anticorruption, qui avait demandé à ce qu’une enquête soit ouverte par le Parquet national financier en 2021. (...)

la lanceuse d’alerte a tenté de prévenir sa hiérarchie à plusieurs reprises. Cette dernière a même « saisi formellement le comité d’éthique du groupe, une première fois en mars 2019, puis de nouveau en octobre de la même année », résume le média spécialisé.

Elle sera finalement licenciée en mars 2020. Thales avait alors justifié sa décision par des « difficultés relationnelles et managériales » de la salariée. Or, selon des documents jusqu’alors restés confidentiels et consultés par la Lettre, le sort de la lanceuse d’alerte « était scellé avant même le dénouement de l’enquête interne ». (...)

Concrètement, la direction de Thales aurait commandité l’éjection de la lanceuse d’alerte, devenue trop gênante. L’anonymat de cette dernière – requis dans les enquêtes internes, n’a pas été respecté -, tandis que le cabinet d’avocats a multiplié les contacts avec Gaspard de Tournemire, membre du comité d’éthique de Thales. Soit le service chargé de superviser l’alerte en question. (...)

À la suite de son licenciement, la lanceuse d’alerte a pu compter sur le soutien de la CGT et de l’UNSA, ainsi que par la Maison des lanceurs d’alerte. Suite à une première contestation, la salariée a été déboutée en première instance et en appel. (...)

La cour d’appel de Versailles lui avait finalement accordé le statut de lanceuse d’alerte en septembre 2021 (...)

Le jugement ayant été cassé en février 2023, la cour d’appel de Versailles avait ensuite estimé, en décembre 2023, que « les éléments en présence » permettaient d’établir que le comportement de la salariée « posait de réelles difficultés, à l’origine de situations conflictuelles, éléments objectifs et étrangers à l’alerte ».

Une décision de justice confirmée le 2 juillet 2025 par la Cour de cassation, qui a considéré qu’elle était cette fois suffisamment motivée. C’est pourquoi Thales considère que « l’absence de lien entre l’alerte et le licenciement, qui avait été constatée tant par le conseil de prud’hommes que par la cour d’appel », est aujourd’hui « définitivement établie ».

Ces décisions ne concernent toutefois que la procédure en référé, tandis que le licenciement devra encore être jugé sur le fond. Les nouveaux éléments dévoilés par la Lettre pourraient ainsi peser dans la balance.